Vides

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Samedi, au cours de l'après-midi. 

Une main contre le plafond. Mark plissa les yeux et il lui sembla que sa main s'éloignait de lui à mesure qu'elle devenait floue. La perspective de son corps fuyant avait quelque chose du fantasme et l'air était étouffant dans sa chambre. Il ne savait plus bien où il était, ce qu'il était, pourquoi il faisait ce qu'il s'acharnait à faire jour après jour. Il laissa glisser sa main, comme s'il parvenait à caresser du bout des doigts la peinture qui commençait à s'écailler, rongée par l'humidité. Il lui sembla même, dans une rêverie très brève, qu'il en sentait le contact granuleux, rude et que de petites écailles blanches volaient, comme de la poussière ou de la neige, jusqu'à se poser sur ses yeux mi-clos. 

Il faisait trop chaud dans la chambre. La main posée sur le radiateur, comme pour sentir la réalité de la chaleur. Mark grimaça tandis que sa paume s'échauffait. Mais, bien qu'il eût été compréhensible qu'il retirât sa main, il raffermit plutôt sa prise et les jointures de ses doigts se striaient de blanc comme de la fumée qui s'accumulait au creux de sa chair. 

Puis la douleur fut soudain trop grande, là où il avait cru pouvoir la contenir encore longtemps. Dans un geste dont il regretta la vivacité, il retira sa main de la fonte bouillonnante et ses yeux, perdus par la chaleur, dessinaient des boursouflures sur le métal, des boursouflures qui étaient animées d'une vigueur étrange dont Mark ne sut pas si elle lui plut.

Il resta plusieurs minutes ainsi. Immobile. Enfin, il regagna son lit ; il faisait toujours trop chaud dans la chambre.


Samedi, au cours de l'après-midi.

Mark ne faisait rien et il fixait d'un air absent le mur qui faisait face à son lit. Il était dans un état de léthargie profonde, un état rituel dans lequel il oubliait jusqu'au contact dur, désagréable et glacé du mur sur l'arrière de son crâne. S'il n'avait pas eu les yeux grand ouverts, on aurait pu le croire endormi tant il paraissait calme. Tellement calme que sa quiétude devenait inquiétante et Mark, prenant soudain conscience du caractère effrayant de sa posture, se redressa jusqu'à s'asseoir, très droit, bien que sa tête fût toujours relevée, de sorte qu'il offrît à son corps qui s'engourdissait un regain de vie.

En vérité, Mark réfléchissait. Il avait déjà réfléchi longuement la nuit dernière, et la nuit d'avant également. Pourtant, il se trouvait tout aussi désemparé que s'il n'avait jamais réfléchi. En réalité, si le problème était toujours foncièrement le même, dès qu'il s'en emparait, il le trouvait chaque fois différent. 


Samedi, au cours de l'après-midi.

Mark s'était assis quelque part et il ne savait pas bien où. Il était sorti, presque sans s'en rendre compte, de chez lui ; il avait ensuite suivi la rue, puis une autre, et encore une. Il avait tourné longtemps dans le quartier jusqu'à ce qu'il trouve un endroit, vraisemblablement assez proche de chez lui, qui lui soit suffisamment inconnu. L'inconnu est toujours plus simple à observer, plus propice aux expériences nouvelles.

L'après-midi était déjà bien avancée ; et comme le vent était tombé tôt ce matin, il faisait bon. L'air avait un aspect velouté et tranquille. La respiration de Mark était calme et régulière. Pourtant, cela faisait plusieurs jours désormais, deux jours en fait, qu'il sentait, au travers de sa gorge une gêne, un inconfort discret mais suffisamment tenace pour qu'il se sentît des difficultés à inspirer. Une asphyxie très lente et insidieuse. 

Mais surtout, Mark était incroyablement fatigué. Cette nuit encore, il n'avait que fort peu dormi. Il avait réussi à sombrer un moment, en trompant son corps qu'il avait laissé assis au bureau. A son réveil, il avait trouvé une couverture légère jetée sur ses épaules fourbues. Il l'avait serrée contre lui, frottée contre son visage comme pour effacer les traces du sommeil. 

Il enfonça le visage dans l'herbe ; huma. Sa peau était parcourue de milliers de petites sensations qui l'empêchaient de réfléchir. Il eut envie de rire. Et, pour étouffer l'hilarité qui montait en lui, il appuya sa tête encore contre la terre humide. Lorsqu'il releva la tête, son nez était noir. Il souriait toujours, mais pour une toute autre raison cette fois.

Mu par une excitation inédite, il se coucha de nouveau sur l'herbe, sa tête plaquée contre le sol. Une sensation de fraîcheur parcourait l'extrémité de son nez. Mark ferma les yeux et, pour la première fois, s'autorisa à l'imaginer sourire. Un petit frisson le parcourut.

[NCT | Markhyuck] Le jeudi, de l'autre côté du couloirWhere stories live. Discover now