##9 - Armand

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 « Ne me mens pas, Jackson. Est-ce que c'est la tuberculose ? »

Armand se tordait les mains devant la chambre de sa sœur, écrasé par une gueule de bois carabinée que seule la panique calmait. Le quartier-maître avait passé une bonne partie de la journée au chevet de Charlotte pour étudier son cas, et ses conclusions ne semblaient pas précises.

« Je ne peux pas le dire à ce stade, elle n'a peut-être qu'un simple rhume.

— Charlotte n'est jamais dans un état pareil ! s'écria Armand, un peu trop fort à son goût. Elle a tellement de fièvre... Ce n'est pas un rhume !

— Tant qu'elle ne crache pas de sang en toussant, je ne conclurai rien, répéta Jackson. Il faut la laisser se reposer, maintenant, d'accord ?

— On ne peut pas repartir si elle n'est pas à la barre !

— Je suis certain que Bill s'en sortira sans problème, elle lui a appris le métier. Tu te cherches des excuses, Armand, mais le jour continuera de se lever et de disparaître sans ta sœur postée devant le gouvernail. Rassemble l'équipage et partons ! »

Armand en avait presque la nausée. Je n'ai pas le droit de vivre normalement sans elle ! Il la voyait à travers la porte coulissante, le visage rouge comme une brique, de la sueur dégoulinant de son front et humidifiant les draps sous son dos.

« Je sais quoi faire. J'ai besoin d'une heure.

— Pardon ? fit Jackson en fronçant les sourcils. Tu restes ici, Capitaine !

— Je reviens ! » insista-t-il.

Armand remonta sur le pont et cria :

« Tobias ! Tobias, ici tout de suite ! »

Le HMS Jolly bruissait d'une effervescence angoissée. Les marins se forçaient à tousser dans des mouchoirs pour vérifier qu'ils ne crachaient pas de sang, terrorisés par la tuberculose. Armand reconnut son ami entouré d'une dizaine de pirates inquiets.

« Il est bizarre, ton pote d'enfance, remarqua le gros John. Pourquoi est-ce qu'il est si pâle ? Il est malade, lui aussi ?

— T'occupe, répliqua Armand. Je te confie la surveillance du navire, j'ai quelque chose de très important à faire.

— Euh... ah bon ? Eh bien, d'accord. Que tout le monde m'écoute ! » s'exclama-t-il, grisé.

Armand saisit Tobias sans ménagement par la manche et le traîna jusque dans la barque qu'ils avaient empruntée plus tôt.

« On retourne voir Nälkäinen.

— Il y a plus important que moi, Armand ! protesta Tobias, horrifié. Tu dois rester auprès de Lottie !

— Ce n'est pas que pour toi. Je veux lui proposer un autre marché.

— Oh, comprit Tobias. Tu penses qu'il est capable de soigner tout un navire en l'échange d'une simple mission ?

— On ne le saura jamais si on ne va pas le voir. »

Ils ramèrent comme si leur vie en dépendait, ce qui n'était sans doute pas faux. Armand entendit son équipage commenter son départ derrière lui mais ne se retourna pas, paralysé par l'angoisse. Et si Nälkäinen refusait de leur parler ? S'il ne voulait pas les aider ? Lorsqu'ils furent assez loin du HMS Jolly pour ne pas être vus des autres pirates, Armand déclara :

« Bon, c'est ici que je dois me concentrer pour que la barque descende ?

— Attends un peu, s'il te plaît. »

Deus Sel MachinaWhere stories live. Discover now