##28 - Armand

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Devant la maison, Armand crut qu'il allait défaillir. Il n'avait jamais été aussi près de changer l'avenir, de bouleverser sa vie pour toujours. Sauver leurs parents... qu'allait-il se passer ?

« Est-ce qu'on risque de détruire l'univers ? hésita-t-il.

— Il suffit d'essayer. Qu'est-ce que tu as à perdre ? » répondit Tobias en haussant les sourcils, comme s'il s'agissait d'une évidence.

Armand voulut répliquer, mais il ne trouva rien à dire. Effectivement, le monde allait changer pour de bon, s'il sauvait ses parents. Mais qui le saurait ? Certainement pas le maire du village, ni qui que ce soit d'autre. Le temps reprendrait son cours, avec ses changements, et personne ne s'en rendrait compte... peut-être même pas eux.

« Et si le fait de rester en France..., murmura Armand. Si jamais... par la force des choses, on finisse par mourir ici ? Un accident, n'importe quoi...

— Armand, stop. »

Tobias approcha son visage du sien, une technique qui n'avait jamais fonctionné pour le calmer, mais il se garda de le lui faire remarquer.

« Tu ne peux rien prévoir, c'est comme ça. Réfléchis ! Est-ce que tu pensais pouvoir faire quelque chose d'aussi extraordinaire ? Sauver tes parents !

— Mais ça va changer mon destin ! protesta Armand. Et... tu sais très bien ce que ça va signifier. »

Les yeux embués de larmes, il vit Charlotte s'éloigner avec Kadi et Jackson. Tu seras toujours là pour moi, pas vrai ? Tobias semblait impassible, mais ses traits trahissaient une dureté inhabituelle chez lui. Il se retenait de craquer. Armand laissa son empathie au placard : il avait besoin de parler.

« Je ne vois pas pourquoi je déciderais de prendre la mer avec Charlotte, alors qu'un avenir radieux nous attendra aux côtés de nos parents...

— Ne le dis pas..., le supplia Tobias, et Armand sentit son cœur tomber. Ce n'est pas la peine... »

On ne se rencontrera jamais, si je sauve mes parents. Il ne pouvait pas le dire à voix haute, ou il allait changer d'avis.

« Je pourrais te promettre de ne rien faire, de ne rien changer, mais je vais les secourir en les voyant. Ce sera un réflexe.

— Et ce sera normal. »

Tobias ferma les yeux et ses lèvres tremblèrent. Armand ne pouvait pas le laisser s'effondrer devant lui, et encore moins lutter pour ne pas interférer dans sa mission. Il ne méritait pas de passer par la joie d'avoir croisé sa route, la peur de le perdre, puis l'oubli éternel. Devant sa mine déconfite, encadrée de cheveux mal coupés pour lui, Armand trouva enfin le courage de s'approcher de lui et de le serrer dans ses bras.

Tobias eut un hoquet de surprise et se mit immédiatement à pleurer. C'est horrible de l'entendre souffrir à ce point... Est-ce qu'il a ressenti ça, lui aussi, quand j'ai passé mon temps à sangloter à ses côtés ? Armand posa une main dans sa coiffure inégale et caressa lentement ses cheveux, écarlate d'embarras. Il ne savait pas comment le réconforter. Il n'y a sans doute aucune solution.

« Je suis certain que même en changeant le passé, même si on ne se croise jamais en vingt-cinq ans, je me souviendrai de toi. Quelque chose dans ma tête saura que je t'ai connu, c'est sûr.

— Tu dis ça pour me rassurer, soupira Tobias en reniflant et en se serrant contre lui.

— Évidemment. Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'autre ? »

Tobias haussa les épaules et s'essuya les yeux, sa joue humide toujours collée contre son cou. Je sais ce que je devrais faire, mais c'est effrayant. Il recula pour prendre le visage de son meilleur ami entre ses mains, le cœur battant la chamade.

Deus Sel MachinaWhere stories live. Discover now