58. Maxence, ange gardien

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Une demi-heure plus tard, dans la maison de Martine...

Que fiche une table champignon imitation amanite tue-mouche au milieu du salon ? 

C'est la question que je me pose depuis presque trente minutes pour éviter de trop penser à Max ou à Minette qui agonise sur le carrelage de la cuisine de la voisine de Gérard.

Elle a pris les choses en main quand l'adrénaline a déserté les dernières parcelles de mon corps, et estimé qu'il faisait trop chaud pour la laisser dehors. 

Depuis, je sirote une tasse de café même pas bien moulu devant un épisode de Familles nombreuses. J'essaie de recenser tous les bibelots présents dans la pièce, mais ils sont tellement nombreux que je doute d'en être capable. 

— Deux cent quarante-trois, lâche Martine. 

— Hein ? 

— J'ai deux cent quarante-trois babioles dans cette baraque, toutes chinées chez mes ex. 

— « Chinées », ou volées ? 

— À ton avis ? Ils m'ont assez déplumée comme ça, ces loustics ! Et puis, ça me fait des souvenirs... C'est pas croyable ! Qu'est-ce qu'ils sont dingos, ces deux-là ! peste-t-elle en reportant son attention sur la télé. 

Je commence à comprendre pourquoi Martine apprécie ce programme : parce qu'elle passe son temps à critiquer les parents. 

— Vous n'avez pas d'enfants ? deviné-je en esquissant un sourire. 

— Tu m'as prise pour une poule pondeuse, ou quoi ? 

J'éclate instantanément de rire. C'est exactement ce que je me dis à chaque fois que Maman me demande quand elle deviendra grand-mère.

— J'avais un chat, avant. Boris. Un matou pas fichu de pisser dans sa litière. Je peux te dire que ça m'a suffi...

Martine est aux antipodes du cliché de la vieille fille, avec ses sabots rose fluo et ses lunettes octogonales. Elle a dix fois plus de style que n'importe laquelle de mes connaissances.

Même Jade, qui passe pourtant son jour de repos hebdomadaire à arpenter les boutiques de Brest.

— C'est beau, commenté-je. De savoir apprécier sa propre compagnie.

— Si tous mes fiancés l'avaient pigé, je me serais peut-être mariée une quatrième fois, tiens ! Tu serais pas gay, par hasard ? s'enquiert-elle avec un sourire de connivence. 

Deux immenses fossettes se creusent sur mes joues. Cette vieille dame a peut-être failli tuer Minette, mais elle n'en est pas moins sympathique pour autant. 

— Malheureusement, non.

— Eh bah ! Tu sais pas ce que tu perds, ma choupette ! 

Je lui aurais bien rétorqué que ça expliquait sans doute pourquoi j'étais nulle pour choisir mes mecs, étant donné que mon ex est un boulet et que mon ancien crush s'est avéré être mon demi-frère, mais un miaulement rauque nous interrompt. 

Je fonce vers le frigo, sans parvenir à cacher mon inquiétude. Minette est de plus en plus mal en point. C'est dur de la voir étendue là, sans défense, elle qui est toujours si vive et sauvage.

J'ai beau m'efforcer d'ignorer l'angoisse qui monte en moi, plus le temps passe, et plus elle devient difficile à maîtriser. Gérard ne me pardonnera jamais pour avoir causé la mort de son chaton, même accidentellement. 

— Tiens ! Voilà ton pote véto ! s'exclame Martine en se postant à la fenêtre.

— Pas tout à fait...

LES AMOURS ÉPONYMES 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant