54. La vérité sur l'affaire Thierry Manioc

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Je porte la main à mes lèvres, mais c'est trop tard : mon cri est tellement strident que Pépette, Minette et Gabin se lèvent d'un seul homme alors que le mot « fiançailles » s'inscrit au fer rouge dans mes pensées ensommeillées.

— C'EST QUOI, CE TRUC ? hurle Gab', terrorisé.

« Ce truc », c'est Minette. La diversion rêvée pour que mon ex n'apprenne jamais, ô grand jamais que j'ai déroulé les trois quarts de sa conversation privée avec son meilleur ami.

Sa conversation privée avec son meilleur ami, où j'ai découvert qu'il voulait – veut toujours ? – m'épouser.

— Une manifestation concrète de ton subconscient ? tenté-je en l'absence de meilleure idée.

— C'EST... ATCHOUM ! C'EST UNE ABOMINATION !

Sans crier gare, il s'empare de Minette par la peau du cou et se dirige à grandes enjambées vers la poubelle.

LA POUBELLE, OUI.

Il n'en faut pas plus pour que Pépette vole à la rescousse de sa petite protégée en dégainant sa technique secrète : le pout-pout de la mort.

Gabin marque un temps d'arrêt, intoxiqué. Je tente de m'emparer de Minette pour la protéger, mais cette filoute me voit venir et s'accroche à ses jambes en espérant m'échapper.

— AAAAAAAAAÏE !

Elle a l'art et la manière de se venger, je dois bien le lui concéder.

En temps normal, je me serais probablement ruée sur mon ex en le voyant s'effondrer puis se tordre de douleur sur le sol, mais ce matin, je préfère me tenir à distance.

Parce qu'il a voulu jeter le chat dont j'ai la garde À LA POUBELLE, déjà, et parce qu'il me fait flipper, à parler mariage avec Kévin à onze heures du soir.

Il n'était pas sérieux, si ?

Plutôt que de m'attarder sur cette question à laquelle je ne désire de toute façon pas de réponse, je préfère courser Minette sur la moitié du jardin, avant d'abandonner par peur de tomber sur une autre crotte de Pépette.

Parce qu'elle m'a semée, aussi.

En rebroussant chemin, un détail attire pourtant mon attention. Je suis quasiment certaine d'avoir verrouillé la porte à clé, hier soir. Et puis, j'aurais forcément aperçu Minette, si elle était rentrée durant l'incartade entre Gabin et Thierry...

— Thierry !

Les pièces du puzzle s'assemblent peu à peu dans mon esprit pour former un tableau improbable... effrayant... mais plausible. Plus que plausible, même, si j'en crois les récriminations de Gérard à son égard et les mises en garde de mon ex.

— Gab' ? C'est toi qui as déverrouillé la porte, cette nuit ?

— CE CHAT EST UN PSYCHOPATHE ! hurle-t-il en désignant son jean lacéré. NON, UN PSYCHOCAT !

Je l'ignore et fonce à l'étage, de plus en plus inquiète.

Il ne me faut que quelques minutes pour me rendre à l'évidence.

— Thierry est parti.

— COMMENT ÇA, « PARTI » ? beugle Gabin depuis le salon.

Je me laisse retomber contre le mur le plus proche, désemparée. Nom d'un malabar au carambar... Pas étonnant qu'il se soit échappé à la première occasion venue ! On a manqué de le tuer !

Résultat : en plus d'être au chômage, je vais me retrouver en prison pour je ne sais combien d'années à cause de mon ex, qui lui a balancé une poêle à la figure.

LES AMOURS ÉPONYMES 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant