"Tu avais raison, je commence aussi à tomber amoureuse de la nuit" exprima-t-elle d'une voix pétillante, "Regarde ! La lune est si belle ce soir". C'était la première fois que Marina prêtait réellement attention au ciel. Tatiana, elle, connaissait c...
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Vous avez beau vous faire aussi petit que possible, un jour, quelqu'un finira bien par vous trouvez -Haruki Murakami
Tatiana s'apprêtait à quitter son travail pour se rendre à l'exposition d'Anastazia. Il était seulement 17h, mais Karl l'avait exceptionnellement autorisée à partir plus tôt. D'habitude, il n'aurait jamais accepté que sa meilleure guide finisse avant l'heure, mais le chèque d'une somme conséquente avait joué en la faveur de la jeune femme. Avant de monter dans le métro, elle se demanda une dernière fois si c'était une bonne idée, Marina risquait peut-être d'être présente. Mais elle ne pouvait plus faire marche arrière maintenant que son patron était au courant.
Elle manqua de peu le bâtiment, il faut dire qu'elle s'attendait à une bâtisse imposante, qui témoigne de la richesse de la famille. Mais il n'en était rien. Plus petite qu'une maison de plein pied, la salle regroupait déjà des dizaines d'invités. Elle inspecta la pièce du regard, aucun signe de la jeune bourge. A peine éprouva-t-elle un sentiment de soulagement, qu'Anastazia la surprit par derrière. Après une étreinte interminable, Tatiana la suivit jusqu'aux tableaux en question. A leur vue, la jeune femme resta muette. Elle n'avait jamais vu de telles peintures. Les œuvres exposées devant elle, semblaient avoir été réalisées par des enfants de maternelle.
-J'aimerais que, comme à votre musée, vous décriviez les peintures ci-dessus. Non pas ce qu'elles représentent, mais ce que vous ressentez en les voyant, ce qu'elles dégagent pour vous, et votre âme d'artiste, demanda Anastazia. La représentation a lieu à 20h tapante, finit-elle.
Tatiana ne sut que répondre à part : « Oh, euh oui je vais écrire le speech tout de suite. » Pour être honnête, elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle allait pouvoir raconter. Les peintures face à elle ne dégageaient pas le moindre sentiment, juste des traits qui volaient dans tous les sens. « Au moins j'ai deux heures pour inventer un sens à...ça. » soupira-telle. Elle s'isola dans un coin de la pièce, et sortit un petit carnet de son sac à main. Elle inscrivit en grand le titre : « Speech pour l'exposition », et le souligna d'une manière très soignée. Elle fixa la page blanche pendant dix minutes, ne sachant que rédiger. « Comment pouvait-on donner du sens à ce qui n'en a pas ? »
Elle se souvint alors des cours d'art abstrait qu'elle avait suivi en secondaire. Leur professeur, monsieur Evergondi, commençait toujours par détailler les traits que l'œuvre présentait, puis expliquait ce que cela représentait, et partait dans une conversation philosophique avec lui-même, car les autres élèves avaient tous décroché. La jeune femme prit une grande inspiration et tenta de penser comme le vieux professeur.
« Les tâches bleues, jaunes et rouges représentent les couleurs primaires, les couleurs qui donnent de la vie aux autres. Dès lors, cette toile inspire la joie, les traits tirés vers le haut peuvent évoquer un sentiment chaleureux, de partage. Les personnes ayant peint ces toiles veulent vous faire ressentir à quel point la notion de partage détient une place essentielle dans leur vie. En conclusion : give them money money money » gribouilla Tatiana en rigolant comme une enfant. Elle n'arrivait jamais à se prendre au sérieux, il fallait qu'où elle passe, elle laisse une trace de son comportement puéril. « En même temps, pourquoi Anastazia n'offrait-elle pas un chèque aux personnes handicapées si elle voulait les aider, au lieu de l'offrir au musée ? Cette famille est incompréhensible » pensa la jeune femme. Elle voulut se remettre à l'écriture de son speech, quand une odeur de parfum musqué chatouilla ses narines. Elle reconnut directement le parfum qui lui avait donné des frissons quelques jours plus tôt, et leva la tête paniquée. Non loin d'elle, se tenait la charmante Marina, accompagnée d'un groupe de personnes, dont Mathias.
