Chapitre 9 : Polaris

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Il faut être prêt à se débarrasser de la vie qu'on a prévue pour avoir la vie qu'on attend   -Joseph Campbell

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Il faut être prêt à se débarrasser de la vie qu'on a prévue pour avoir la vie qu'on attend   -Joseph Campbell

Tatiana

« Je t'en prie »

Tatiana s'assit, le regard toujours fixé sur le tableau mal orienté. Cela faisait trois ans aujourd'hui qu'elle était suivie par sa psychologue. Pour l'occasion, elle avait pensé apporter un gâteau, mais parce qu'elle soupçonnait que sa psychologue en vienne encore au sujet de son manque de sérieux, elle avait abandonné l'idée.

-Comment te sens-tu depuis ces derniers jours ? Demanda-t-elle, une tasse de café à la main.

-On ne peut mieux, déclara Tatiana.

Suite à ces paroles, la psychologue déposa lentement sa tasse de café sur la table basse et se redressa ensuite d'un air sérieux. «Tatiana je suis désolée mais je ne vois pas comment je peux encore t'aider, je pense en rester là dans le suivi car tout ce qui a été tenté n'a pas fonctionné » annonça-t-elle.

Pardon ?

Face à l'incompréhension de la jeune femme, la spécialiste continua : « Depuis deux années, les seules phrases qui sortent de ta bouche sont : je vais bien. Tu ne t'ouvres pas, tu restes une coquille fermée et je trouve cela insupportable de ne pas réussir à t'aider. Je ne peux plus travailler avec toi. »

La jeune artiste n'en revint pas. Elle aurait vraiment dû apporter ce gâteau.

-Mais que suis-je censée dire si je vais bien ? Se défendit-elle.

-Ce n'est pas possible que tu ailles bien tous les jours ! S'époumona la psychologue. Les autres patients malades appréhendent leur futur, son terrifiés à l'idée de ne pas en avoir. Ils se sentent perdus, égarés, seuls. Ces patients ressentent de l'injustice, pourquoi fallait-il que cela tombe sur eux? Toi, tu n'éprouves rien de cela, et je ne comprends pas la raison. J'ai l'impression que tu t'es déjà éteinte intérieurement, et que tu attends que ta maladie finisse le travail, s'écria la psychologue, les yeux brillants.

Ces mots venaient du fond du cœur. La jeune femme réalisa que la personne devant elle était réellement bouleversée, elle s'en voulut. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle s'était mise dans cet état seulement pour la jeune artiste, et hésita à demander à sa psychologue si elle avait besoin elle aussi de parler, car on y pense pas mais, ceux qui passent leur temps à conseiller les gens, ont aussi besoin d'être écoutés. Bien que la quadragénaire ait dit ces mots sous la colère, ils n'en étaient pas moins vrais.

Le docteur de Tatiana lui avait diagnostiqué une rare maladie du poumon le jour de ses vingt-et-un ans, c'était il y a trois ans. Cette dernière avait des chances de survie, mais elles se montraient faibles. La jeune brune préférait se dire que son sort était scellé, afin d'éviter tout faux espoir. Elle nécessitait une intervention chirurgicale, mais cela se révélait risqué car une telle maladie n'avait jamais été traitée avant, et les poumons de Tatiana étaient fragiles, étant donné qu'elle était asthmatique. Le docteur ne pouvait agir sans l'accord de la jeune femme, alors, il l'avait envoyée chez une psychologue pour l'aider à prendre une décision. Son état continuerait à se dégrader jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, où il deviendrait critique. Mais Tatiana n'eut pas la réaction attendue.

Au lieu de passer par une phase de désespoir comme la plupart des patients, la jeune femme s'était sentie épanouie, délectée d'un poids. Lorsqu'on apprend que notre vie est éphémère, tout devient plus simple : plus besoin de réfléchir des heures entre un métier qui nous rendra riche, ou bien heureux. Si notre futur se révèle être incertain, profiter des moments de la vie devient alors une priorité, on n'écoutera plus seulement les oiseaux chanter, mais on profitera de leur douce mélodie. On remplacera les balades prévues demain par celles d'aujourd'hui...

Bien-sûr, tout être humain sait pertinemment que son passage sur terre est limité, mais celui-ci reste dans le déni, se disant que cela se produira dans une période lointaine, et que ce dernier a le temps. Or, en se perdant dans ce mensonge, on ne profite pas de notre vie et on la subit. Puis, vint un jour où ce moment arrive, et on se dit que c'était trop tôt, qu'on n'a pas eu l'occasion de réaliser tous nos désirs. Mais du temps, on en avait. Seulement, on a préféré le tuer, en attendant que lui nous tue. Il n'est jamais trop tôt. Mais il est souvent trop tard, lorsqu'on s'en rend compte.

C'est pourquoi la vie de Tatiana s'était éclairée, comme lorsqu'on ouvre les rideaux d'une pièce restée sombre depuis bien trop longtemps. Avant, elle comptait exercer une profession dans les langues, mais ce métier ne l'animait pas au point de faire frétiller tous ses sens. Alors, elle a pris un instant pour définir ce qui était essentiel dans sa vie : l'art et les femmes.

En ce qui concerne l'art, elle n'avait pas tardé à apprendre tous les noms des plus célèbres peintures, les techniques et les raisons de leurs fabrications. Elle avait alors postulé au Musée des Arts de Van Gogh et avait décroché le job dans la journée, tellement son patron était impressionné des connaissances de la jeune fille. Mais, en ce qui concerne les femmes, c'était moins évident. Elle ne voulait pas vivre la moindre relation amoureuse. Elle n'avait pas peur de s'éprendre de quelqu'un, ni de risquer de souffrir face à une séparation, elle était effrayée d'être aimée en retour. Bien que ce rejet de l'amour aille à contrario de sa théorie sur la vie trop courte, elle ne pouvait se résoudre à accepter ses sentiments. Et c'était bien le seul problème qui la tracassait. Elle ne mentait pas quand elle rassurait sa psy en disant aller bien, mais elle devait avouer que sa rencontre avec Marina l'avait déboussolée.

En repensant à sa vie, Tatiana se rappela de son désir de marquer son passage sur terre d'une trace indélébile et se rendit compte que sans amour, cela s'annoncerait impossible. Elle observa la personne face à elle et se sentit coupable. Coupable de n'avoir pas su parler, coupable d'avoir frustré les gens autours d'elle. Elle ne pouvait quitter sa thérapie, d'une part car son médecin serait furieux, mais aussi car elle savait que sa psychologue ne roulait pas sur l'or, et que les séances avec la jeune femme lui rapportaient beaucoup. Alors, Tatiana fit ce qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps : s'ouvrir.

« Eh bien, si vous voulez tout savoir, il y a bien quelque chose que j'appréhende, ou plutôt quelqu'un. »

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Tell the stars I love you (FINIE)Where stories live. Discover now