Lecture - Les Arbres

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Cher Journal,

Quel être plus majestueux qu'un arbre ? Un aigle, un lynx, un lion, pourquoi pas un humain ? Mais que serait le règne animal sans celui du végétal ? Où l'être doté de la parole et d'un esprit complexe puiserait-il son inspiration créatrice sans la nature, sans la forêt ? Où se perdrait-il afin d'aiguiser instinct et sens de l'orientation, où puiserait-il sa réflexion, où testerait-il ses apprentissages ? Dans le cœur de cette nature primaire, l'humain se retrouve face à lui-même, à tourner en rond, à s'énerver jusqu'à se poser et méditer, dans le silence le plus instructif, apte à trouver lui-même la solution à son problème.

En plus de ces offrandes intellectuelle, l'arbre nous offre oxygène, eau, ombre et fraîcheur, de la manière la plus généreuse qui soit : ça ne demande ni monnaie, ni dépense d'énergie, ni autres ressources. Les arbres nous abritent, protège notre intimité. On peut se camoufler dessous, se blottir contre, embrasser notre complaisance. Notre humanité lui doit tout, à l'arbre.

Je me souviens, plus jeune – entre mes dix et treize ans – je faisais beaucoup de balades à vélo dans les bois derrières chez mes parents, dans notre ancienne – et dernière – maison familiale. J'aimais m'y rendre pour faire du "VTT cross" comme je disais, amusée de rouler sur les racines. Au milieu des bois se trouvait un grand creux où l'on pouvait prendre de la vitesse et sauter. Un jour, peu avant notre déménagement avec ma mère et un beau-père que je haïssais, comme un prélude à l'année d'enfer qui a suivi, nous nous y sommes rendus et il ne restait plus rien de la forêt. Le creux, avec tous les entrelacs de racines écrasées sous des troncs et des branchages d'un gris de cendre, ressemblait à un trou d'obus sur le front. J'ai pleuré. Je ne savais pas quoi dire. Ça ne dérangeait aucunement les adultes. Tu m'étonnes, cet homme vivait du bûcheronnage ! Il riait de cette « faiblesse ». Faut bien se chauffer l'hiver ! Comment crois-tu que la cheminée  tourne chez ton père ?

C'est vrai, dans la maison familiale, on se chauffait grâce à deux cheminées et c'est toujours le cas chez ma mère et chez mes grand-parents. Attendez, ça m'étonnerait que ce soit notre consommation personnelle qui participent le plus à la déforestation de masse au niveau national et surtout, au niveau mondial. Je me souviens aussi accompagner mon papa et des amis couper du bois pas très loin de cet endroit, et jamais on ne rasait la forêt de cette manière. Non seulement ils sélectionnaient des arbres, mais en plus, je revois encore un ami tronçonner un arbre mort. Il travaille dans un musée d'histoire naturel. Ce déboisage massif permettait de faire de la place à une antenne téléphonique et/ou internet, je n'ai jamais posé la question. Voilà, c'est tout. Récemment, je me souviens avoir dit à une amie qui aime autant la forêt que moi qu'on ne pourrait jamais vivre en pleine nature tout en gardant notre accès à autant de technologie. Eh oui. Dans les années à venir, il faudra faire des choix. Tout laisse s'effondrer massivement et profiter des derniers instants du progrès libres et accessibles à presque tout le monde, ou changer radicalement nos modes de vie ? Penser au futur n'a jamais été aussi brumeux qu'aujourd'hui...et pourtant, on sent qu'il approche, que chaque action est décisive pour demain. Peut-être que le moindre fait actuel va être l'étincelle qui fera partir l'artifice...

Il n'existe aucune solution miracle. Par contre, alternative oui. Déjà, revoir les isolations des vieilles maisons pour économiser du bois et baisser les températures intérieures. C'est cher ? Et votre vie et celle de vos gosses, elles valent combien ? Amazon, huile de palme, production de viandes industrielles, mines de métaux rares, urbanisation, raffineries, agriculture intensive, etc etc. Les ravageurs de nos forêts se démultiplient d'années en années, détruisent de plus en plus pour remplir le propre porte-feuille des quelques milliardaires, le réchauffement climatique s'accélère pour le plus grand bonheur de celui qui veut nous fusionner avec des robots, qui voit notre avenir dans les étoiles. Bref, pour le plus grand plaisir de ceux qui sont tombés sur la tête quand ils étaient petits...

Il suffit aussi de regarder derrière chez nous : des centaines d'hectares sont ravagés pour le bon plaisir d'un agriculteur qui piétine encore et encore les plates-bandes voisines pour plus de rendement afin de survivre de son activité avec les subventions de la PAC parce qu'elle aiderait pas les petits paysans - bref, c'est un autre sujet -, ou chauffer au bois une maison peu isolée de manière exagérée : avons-nous vraiment besoin de vingt-cinq degré dans notre baraque l'hiver, surtout quand on sent bien les températures extérieures augmenter chaque année ?

La perte est inimaginable, incalculable pour notre petit cerveau de bipède, on préfère s'en protéger : ne sert-il pas à ça, d'ailleurs ? Pourtant, il ferait mieux de s'ouvrir aux réalités, car 2050 se rapproche de plus en plus – c'est dans vingt neuf ans pour les deux dormeurs du fond – et le désastre promet de nous en mettre plein les yeux : canicules et sécheresses de plusieurs semaines d'affilé voire de mois, désert saharien triplant de volume entre autres catastrophes marines et humaines : de quoi se noyer dans la bouteille entre amis pour oublier notre impact dans ces jolis chiffres. Pour vous donner une idée, 48% des arbres ont disparus depuis le début de l'humanité, dû aux innombrables constructions religieuses et armes de guerre au Moyen-Âge, exploitation des sols miniers lors de la Révolution industrielle, de surface pour l'agriculture intensive depuis les années 1950 et pour l'expansion des zones urbaines, des aéroports, des centres commerciaux et des gros groupes de ventes en lignes aujourd'hui. De quoi trinquer à l'effondrement à venir... puisque le sol de milliards d'hectares à travers le monde est en phase de rendre l'âme, donc, de ne plus rien donner.

Dans des temps reculés, on vénérait les arbres, étroitement lié à Gaïa, notre Mère nourricière. Le calendrier celtique repose sur un arbre à chaque nouveau mois venu, preuve de leur importance dans la croyance et même dans la vie quotidienne des peuples celtes. Aujourd'hui, l'arbre ne représente plus rien qu'à l'état de papier où l'on imprime mail ou autre document que l'on jette quelques heures après. Pourtant, ce papier, recyclable à cent pour cent, peut servir dans des livres pour partager savoir et récits fantastiques.

Le monde moderne salit les grands esprits. La facilité rend obèse la majeure partie de la population, engendre problèmes cardio-vasculaire, cancers et diabète, et j'en passe, inutile de se répéter, si vous lisez ceci, c'est que vous êtes déjà au courant.

Bientôt, nous mourrons étouffés sous la canicule de l'été. Préparez-vous à en supporter chaque année désormais... à moins que vous permettiez à des projets de replantation d'arbres et de jardins en agroforesterie de naître par chez vous et partout ailleurs. L'avenir ne tient qu'à nous, n'attendons pas des changements de là-haut, les miracles n'ont jamais eu lieu ailleurs que dans les familles de nobles et de clercs...

Je ne suis pas seule à le dire que c'est essentiel les arbres :). Et tout le monde s'en fout - Les Arbres

En gros, un arbre ça sert à ne pas mourir. Lexa

23 janvier 2021

Bonus du 24 juin 2021

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