Chapitre 38

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Dugald MacPherson l'accueillit en personne. Il se tenait, en fier guerrier, debout au centre de sa court lorsqu'on l'amena devant lui. Le clan MacPherson entier semblait avoir été rassemblé pour l'accueillir et s'étalait de part et d'autre du pont-levis en un simulacre grotesque de haie d'honneur. La but de la manoeuvre était de l'humilier. Ils faisaient semblant de la recevoir comme une invitée illustre, mais les rires gras et les sourires vicieux n'avaient rien de révérencieux.

Elle resta droite sur sa monture, les poings serrés sur la bride pour les empêcher de trembler, et balaya la foule d'un regard glacial. Elle observa chaque visage, chaque homme et chaque femme qui se tenaient là pour moquer sa chute et épier sa honte et prit soin de défier chacun des regards qui croisèrent le sien, l'expression aussi figée que possible et peu à peu les rires s'éteignirent.

Satisfaite, elle retint un sourire de victoire, et comme elle arrivait face à son hôte, lui accorda finalement son attention et lui adressa son expression la plus hautaine. Elle était la maîtresse du clan MacBain, la femme de Iain; il était hors de question qu'elle se laisse impressionner.

Ils n'échangèrent pas un mot, pas tant qu'elle se tenait en position de force.

Les guerriers qui l'avaient accompagnée sur le chemin mirent pieds à terre et l'un d'eux s'approcha pour l'aider à faire de même, mais elle se contenta de lui renvoyer le même regard, jusqu'à ce qu'il s'éloigne et la laisse descendre seule bas de sa monture.

Elle s'avança ensuite jusqu'à faire face à son geôlier, pas assez loin pour avoir l'air intimidée, mais pas assez près pour qu'il puisse profiter de l'avantage de sa taille — il faisait bien deux têtes de plus qu'elle — ou pire, pour qu'il puisse la toucher.

MacPherson était visiblement agacé qu'elle ait déjoué sa mise en scène, qu'elle n'ait pas l'air plus impressionnée que cela. Sans doute s'attendait-il à des pleurs et des suppliques... Il n'aurait rien de tout cela avec elle; elle avait vu pire. Bien pire. Et pire l'attendait.

-Comme c'est aimable à vous d'avoir accepté mon invitation, s'exclama-t-il lorsqu'il reprit finalement le contrôle de sa colère sur un ton faussement enjoué tout en lui adressant un sourire cruel, sadique.

Il adorait cette situation car, peu importe le sang-froid et la dignité qu'elle affichait, il savait qu'elle ne pouvait-être que terrifiée, qu'elle était totalement à sa merci, livrée à son bon vouloir, sans défense. Il représentait tout ce qu'elle haïssait.

Elle ne répondit pas. Elle n'entrerait pas dans son jeu. Il n'était certes qu'un pion sur l'échiquier dont Berkeley était le maître, mais lui donner plus de pouvoir encore sur elle en risquant de laisser filtrer ses émotions était inutile et dangereux.

Elle garda le silence jusqu'à ce que, lassé et en colère, MacPherson comprenne qu'il avait définitivement perdu cette manche et qu'il décide de l'emmener à l'intérieur. Elle garda le silence encore lorsque, escortés de deux hommes, il la conduisit loin dans le château, lorsqu'ils s'enfoncèrent profondément dans les entrailles de ce dernier jusqu'à une chambre sale et sombre dans laquelle on la poussa sans ménagement.

-Vous attendrez ici que je décide quoi faire de vous, l'informa son geôlier avec condescendance.

Il était ridicule de penser que cela lui donnait l'air plus puissant. Car puissant il ne l'était certainement pas. Sans doute n'avait-il pas même la moindre conscience du danger dans lequel il avait mis son clan. Si Iain et ses frères ne rasaient pas le château pour la retrouver, Berkeley se chargerait d'assassiner femmes et enfants pour couvrir ses traces — en effet, si Berkeley avait l'aval de son roi quant à leur union, cette alliance avec un laird écossais ne pouvait être que clandestine. Et tout cela serait de sa faute. Elle le lui dit.

La rage de vivreWhere stories live. Discover now