Madame Miranbeau

1, 2, 3...

Un... Deux... Trois... Héla retourna ses mains, paumes vers le ciel et recommença a compter. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix... Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix...

"-Héla ? Appela la voix de Lawrence depuis la cuisine. La jeune femme releva la tête et rejoignît son amie. Tu comptais ? Demanda la rouquine avec un sourire sur les lèvres. 

Héla hocha la tête.

-Tu verras, je suis sûre que ça va marcher. Là-dessus, Lawrence sortit la casserole du feu et remplît deux assiettes de ratatouille. Héla, elle, attrapa des couverts et alluma le poste de télévision. Le soir, les deux amies aimaient manger devant la télévision en se racontant leur journée. Mais lorsque la photo de Miranbeau s'afficha sur l'écran, Héla se figea.

-Miranbeau. Lâcha-t-elle froidement.

Lawrence approcha aussitôt pour écouter.

-Le procès d' Adèle Miranbeau aura lieu demain en fin de matinée. La célèbre philanthrope et femme d'affaire ayant fait fortune dans le secteur de la viticulture a en effet été accusée de faux et d'usage de faux,  de séquestration, et de violences sur une jeune femme. Même si Adèle Miranbeau ne s'est pas exprimée publiquement depuis le scandal, son avocat assure qu'il s'agit de graves calomnies et que la jeune femme en question avait toujours été consentante, et était même suivie par un médecin [...]

Lawrence attrapa la télécommande et changea de chaîne.

-Qu'est ce que tu fais ? S'insurgea Héla en se tournant vers son amie.

-Pas la peine d'écouter ces conneries. Rétorqua Lawrence.

-Tu crois que... Commença Héla les yeux toujours fixés sur l'écran de télévision. J'aurais du témoigner... C'est ce que tu crois...? Elle serra les dents avant de baisser les yeux. Je sais que c'est ce que tu crois... Ajouta-t-elle la voix tremblante.

-Hé... Souffla Lawrence en venant s'assoir tout près d'Héla. Elle posa affectueusement sa main sur son épaule. Ce n'est pas ce que je crois, même pas une seule seconde. Tu as le droit de ne pas en avoir la force...

-Mais... Mais si elle s'en sort... Si elle s'en tire à cause de moi... 

-Elle ne s'en tirera pas. Affirma Lawrence, cette pétasse va finir ça vie en prison. Elle ne reverra jamais la lumière du jour je te le garantis.

-Mais...si...

-Si elle réussit à s'en sortir, c'est moi qui irait la chopper, rît Lawrence, et je te promets qu'elle  regrettera de ne pas être derrière les barreaux quand je l'attraperais.

Héla décrocha un sourire.

-Tu as faim ? Demanda Lawrence.

Héla hocha la tête.

-Tu sais, souffla la jeune femme amusée, ce n'est pas parce que je ne mange pas de viande qu'on doit manger des légumes tous les jours.

-Sérieusement ?! S'insurgea Lawrence contente de retrouver son amie, alors je me tue à cuisiner et toi c'est comme ça que tu me remercies ?

-Demain pizza ? Proposa Héla avec un sourire.

-Demain pizza, répondit Lawrence."

*

Ce qui réveilla Héla, ce fût le silence. Un silence lourd. À côté d'elle, elle ne sentait plus la respiration de Lawrence. Elle inspira longuement avant de tourner la tête vers son amie. Elle devinait sa silhouette sous les draps blancs. 

"-Lawrence... Souffla Héla. Lawrence...

-Elle ne te répondras pas Juliette, lança une voix féminine depuis un coin de la chambre resté plus sombre.

-Lawrence ?! Appela Héla plus fort, elle se sentait prise au piège sous le drap, comme si la couette qui la recouvrait avait pesé plusieurs dizaines de kilos. 

-Je te l'ai dit... Répéta la voix, elle ne te répondras pas.

-Lawrence ! Lawrence ! Paniqua Héla, qu'est ce que vous lui avez fait ?! 

-Ce que je lui ai fait ? Siffla la voix, des bruits de talons résonnèrent dans le coin de la chambre, et bientôt, la lumière de la lune vînt éclairer le visage de Miranbeau, le teint pâle, un sourire dément sur les lèvres.

Héla tourna de nouveau la tête vers son amie. Cette fois, Lawrence n'était plus sous les draps. Sa tête était posée sur son oreiller, à quelques dizaines de centimètres du visage d'Héla tout au plus. Mais ses yeux étaient vides, blancs, sa bouche ouverte et son teint nécrosé. Héla manqua de s'étrangler de terreur. La mort avait une odeur. 

-Non ! Hurla Héla incapable de bouger... ce n'est pas vrai ! La jeune femme réussit finalement à arracher ses mains du matelas et commença à compter ses doigts.

-Un, deux, trois... Mais presque aussitôt, l'étrangeté de la scène lui sauta aux yeux. Elle ouvrit les yeux, cette fois, réellement. Elle était toujours dans son lit, transpirante de sueur, mais à côté d'elle, Lawrence respirait doucement.

Son amie se retourna dans le lit et ouvrît des yeux fatigués.

-Ça va ?

-J'ai réussi. répondit Héla."