ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟛

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Grégoire est là, inerte, à quelques mètres, dans une pièce vide et froide de l'hôpital. J'ai honte de ne pas vouloir le voir. Ses parents pleurent dans les bras de leur fille unique, qui sanglote tout autant. Christophe ne fait que me regarder. Lui comme moi n'avons pas la force de pleurer. Je l'ai fait pendant plus d'une heure jusqu'à ce que je trouve le courage d'appeler Alexandre pour qu'il me soutienne, lui annonçant la terrible nouvelle par la même occasion. Avant qu'il ne doive m'amener ici. Installé derrière le volant dans ma voiture, j'étais incapable de démarrer et donc pas en état de conduire.

Toute la famille de Grégoire me juge. Pour eux, je n'ai aucune raison d'être là. Mon ami finit par revenir vers moi et me rend les clés de la voiture. Il se retient de me demander comment je me sens. Lui n'a pas pleuré depuis qu'il m'a retrouvé. Je ne sais pas s'il se retient de le faire devant moi, ou s'il n'en a simplement pas besoin.

Une infirmière vient vers nous, portant dans sa main une pochette en plastique contenant les affaires de Grégoire. Elle le pose sur le comptoir et nous observe avec compassion. Je crois que c'est ça. À moins que ce ne soit qu'une façon de montrer un minimum de respect pour la famille d'un patient décédé.

— Vous pouvez récupérer ses affaires si vous le voulez.

Aucun membre de sa famille ne se penche sur le sac. Les vêtements sont recouverts de sang séché, tout comme le portefeuille et l'écran du téléphone portable est brisé. Des images d'un accident de voiture que j'avais vu dans une série me viennent en tête. Le héros s'en était sorti avec quelques égratignures. Dans la vraie vie, ça ne fonctionne pas comme ça.

— Mais si vous préférez, nous pouvons nous en occuper.

Autrement dit, ils vont brûler ses effets personnels et jeter ce qui ne peut pas l'être. Il ne mérite pas ça. Je récupère le contenant et la mère de Grégoire réagit aussitôt.

— C'est à mon fils ! m'interpelle sa mère.

— Peut-être, mais j'ai le droit d'avoir ses affaires, rétorqué-je.

— Rends-moi ça, Armand ! Ce sont les affaires de Grégoire !

— Maman... intervient doucement Laura.

— Ce n'est pas parce que Grégoire n'est plus là que l'on n'a pas le droit de récupérer ce qui lui appartient !

Elle tend la main dans l'intention de me prendre le sac et je recule, le resserrant dans mes bras.

—S'il te plaît, Maman, ne fait pas une scène, l'avertit Christophe. Nous aurons le temps de récupérer ses affaires plus tard.

Il me jette un regard comme s'il avait une arrière-pensée. Cette famille n'a jamais tenu à être présente pour Grégoire et maintenant qu'il n'est plus là, ils comptent pleurer sa disparition. Je pourrais presque sourire dans une autre situation.

Nous devons signer des papiers que je ne fais que lire en diagonale. Ces mots mettent en valeur la mort. Je ne salue pas la famille et ils n'ont aucune envie de traîner avec moi. Et c'est très bien comme ça. Nous n'avons rien à nous dire.

Après ça, Alexandre me ramène jusqu'à la voiture. Il ouvre la portière du côté passager et je n'ose plus bouger. Si je retourne à la maison, je verrai le vide qu'il a laissé derrière lui. Pourtant, je ne peux pas passer ma vie sur un parking.

— Armand, tu... Qu'est-ce que tu veux faire ?

Alexandre est si gentil avec moi. Mes dents mordent violemment la lèvre. Je veux rentrer, oublier ce qu'il est en train de m'arriver. J'essuie ma joue du bout des doigts, tandis que je resserre ses affaires avec mon autre poing.

AubadeWhere stories live. Discover now