ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟡

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Des croquis, des dessins raturés, des lettres que je n'ai jamais reçu, des messages raturés qu'il a accumulés. Il m'a caché tout ça pendant si longtemps. Qu'est-ce qu'il pouvait bien garder d'autres en secret ? Pourquoi même sentait-il le besoin de me tenir à l'écart ? Je suis l'autre moitié de cette relation. J'aurais pu comprendre.

Mes coudes se reposent sur le comptoir et je cache mon visage entre mes paumes. J'ai eu besoin de penser à autre chose au moins le temps de quelques heures. Alors j'ai décidé de faire un tour dans la petite brasserie d'Estelle. J'ai eu l'espoir qu'elle puisse être compréhensive avec moi. Mais je me suis trompé.

Je finis d'une traite mon verre avec une grimace et Estelle fait une drôle de tête.

— Je vais bien, la rassuré-je. Ne t'inquiète pas pour moi.

— J'ai quelques doutes pour le coup. Alexandre sait que tu es là ?

— Non et il vaut mieux pas... J'ai été vraiment vache avec lui et je n'ai pas envie de lui donner une raison pour m'en vouloir encore plus.

Et il me virerait aussitôt d'ici par la peau de fesses s'il voyait dans quel état je compte me mettre. Estelle se mord la lèvre et croise les bras sur sa poitrine.

— Tu as été vache avec tout le monde. Samir l'a un peu en travers de la gorge et Guillaume aussi par la même occasion.

— C'est absolument pas contre eux ! Mais quand je les ai vus ensembles, heureux, en train de se sourire et de se dire des mots d'amour... Je me suis senti blessé.

— Je peux comprendre. Et pour qu'ils puissent aussi le faire, tu dois le leur expliquer. Personne ne peut deviner ce que tu penses, Armand. Malheureusement, personne n'a encore ce don. Attends, je reviens.

Elle m'abandonne pour rejoindre un autre client. J'en profite d'être seul pour ressortir de ma poche un des mots de Grégoire écrit sur un post-it que j'ai trouvé parmi d'autres dans la pochette.

« Nager dans le bonheur, c'est t'avoir chaque jour à mes côtés. PS: Ce maillot de bain te sied à ravir ♡ »

Je plie soigneusement le message et le range à nouveau au fond de ma poche. Une frisson parcourt ma colonne et une main se pose sur mon avant-bras. Je connais la douceur de ce contact par cœur. J'observe le tabouret à côté de moi. Il est vide. Je suis bel et bien seul. Mais la sensation de chaleur sur mon épiderme ne disparaît pas.

Je profite du retour d'Estelle pour lui redemander un verre. Je dois me vider la tête.

— Je dois tellement le décevoir...

— Grégoire t'aimait comme un fou, affirme-t-elle en me servant. Je suis certaine qu'il comprend ta détresse.

Elle m'offre un faible sourire et repart donner sa boisson au client, tandis que je pioche dans le bol de cacahuètes devant moi.

Les gens autour de moi semblent tellement heureux. Ils discutent entre amis, s'amusent autour de la table de billard. Les couples profitent de leurs rencards, s'embrassent et se câlinent. Il y a encore quelques jours, j'étais là, avec lui. Nous aussi, on s'aimait.

Maintenant, je suis seul.

Je finis mon verre et quitte le comptoir, sans oublier de payer Estelle.

— Tu te sens de rentrer seul ?

— J'ai pas trop le choix...

— Fais tout de même attention à toi.

Je tente de la rassurer avec un sourire et rentrer jusqu'à chez moi. Notre ancien chez nous. Notre maison que nous avons pris le temps de réparer pendant des mois, repeint avec les meilleures intentions et aménager avec nos meilleurs souvenirs.

AubadeWhere stories live. Discover now