ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟚𝟛

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J'aimerais ne jamais devoir fêter cette nouvelle année. Je n'ai pas envie de devoir continuer sans Grégoire. Pourtant, je sais que le temps va continuer de s'écouler, que les secondes vont devenir des heures puis des semaines. Inévitablement, ma vie va se poursuivre.

Estelle finit de décorer la table pour ce soir pendant que je finis la vaisselle avec Robin. Depuis quelques jours déjà, je passe la majeure partie de mon temps chez eux ou chez Guillaume et Samir. Je crois qu'ils se fichent tous bien de préserver de l'intimité dans leurs couples respectifs, préférant me savoir entre de bonnes mains. J'ai parfois l'impression d'être cet enfant que tout le monde se sent obligé de surveiller pour ne pas qu'il fasse de bêtises. Le fait que je sois âgé de bientôt vingt-neuf ans ne les dérange en rien et semble davantage les conforter dans cette idée.

— Je dois ajouter une assiette ?

Robin et moi, nous nous retournons vers la rousse. Concentrée, elle croise les bras devant sa table décorée de rubans bleus et de perles en argent.

— Pourquoi tu veux ajouter une assiette ? demande Robin.

Elle m'observe, comme si je pouvais lui donner une réponse.

— Je me demandais si Sébastien allait venir ce soir.

— Ça ne risque pas. Je ne l'ai même pas invité.

Robin arrête de sécher son verre. Je retourne à ma vaisselle, loin d'être intéressé par leur réflexion.

— Tu n'es pas ami avec lui ? m'interroge mon amie.

— On se parle de temps en temps, mais c'est rien de plus.

— Et tu m'affirmes que tu n'es pas ami avec lui ? Armand, je te connais depuis des années et je sais à quel point c'est difficile de t'approcher quand tu ne veux pas être proche de quelqu'un. Tu parles avec lui de temps en temps et pour moi, c'est déjà énorme.

Je secoue la tête, affirmant qu'elle se trompe et repose le verre à côté de l'évier pour prendre le reste des couvertes et les frotter avec l'éponge.

— Tu me trouves si farouche que ça ?

Robin se pince les lèvres, renifle puis finit par rire discrètement en essuyant les couteaux, cuillères et fourchettes.

— Pardon Armand de dire ça, mais tu es loin d'être l'homme le plus avenant que je connaisse, s'amuse-t-il.

Mon amie se retient de rire à son tour et nous rejoint dans la cuisine. Elle prend la vaisselle propre -non sans voler au passage un baiser de son petit-ami- et la dispose sur la belle table de salle à manger.

— Je ne l'ai vu que très rapidement la dernière fois au bar alors ça me ferait plaisir de le rencontrer, affirme Estelle. Car je sais que quand tu décides de te rapprocher de quelqu'un, on peut être sûr qu'il s'agit d'une bonne personne.

Je me lave les mains pendant que Robin finit de sécher les dernières assiettes. J'ai vraiment du mal à la croire. Peut-être qu'au fond, je suis la mauvaise personne dans ce groupe. Eux, ils n'ont jamais rien eu à se reprocher, mais depuis ce jour de novembre, c'est moi qui fais les pires choix et prends les pires décisions.

Je leur annonce que je pars dans la chambre d'amis pour pouvoir me changer, mais surtout pour m'éloigner un peu d'eux.

Shepard m'observe depuis son panier à côté de mon sac, heureux de me voir. Il n'est jamais contre l'idée de pouvoir aller quelque part avec moi, tant qu'il peut s'allonger quelque part. Et puis je suis sûr qu'il aura droit à quelques bouts de viande ce soir, donc il a tout pour être heureux.

À moitié habillé et perdu dans mes réflexions, je décide de prendre mon téléphone et de chercher son nom dans mes contacts. Je regretterais après. Et s'il ne décroche pas, j'oublierai aussitôt cette possibilité de le voir ce soir.

AubadeWhere stories live. Discover now