ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟠

439 50 31
                                    

Je me sens stressé, au bout du rouleau. Je ne comprends pas pourquoi je ne les ai pas tous écoutés. Ils avaient tous raison de me dire que ça ne valait rien. Mon travail ne vaut rien. Mes dessins traînent tout autour de moi et je n'arrive pas à en voir le bout. Je déchire le dessin et le jette sans plus réfléchir à la poubelle. Mon acharnement dure depuis des heures et je ne suis pas prêt de m'arrêter, bien que j'ai un devoir à rendre.

Cette douleur au cœur ne veut pas non plus disparaître. J'ai vraiment la sensation d'étouffer depuis des semaines, sans trouver d'échappatoire. C'est d'Armand dont j'ai besoin plus que jamais. Mais il n'est pas là. Tout ce que je peux faire est de me donner un semblant de tranquillité avec le son de sa voix.

J'attrape mon téléphone et lance l'appel, dans l'espoir qu'il puisse m'aider à y voir un peu plus clair. Le fait qu'il me réponde aussitôt me fait sourire. Il attend toujours mes appels.

— Coucou. Comment tu vas ? me demande-t-il doucement.

— Coucou... Ça va pas très fort.

— Je me doute, t'as une petite voix... Qu'est-ce qu'il se passe ?

Je m'assois contre ma tête de lit et ramène mes jambes vers mon torse, les serrant entre mes bras. Je ne sais même pas où il peut être à cette heure de la soirée. J'ai mal d'être loin de lui.

— Tu me manques... Tout le temps, ajouté-je.

— Toi aussi. À chaque seconde.

Mes lèvres se pincent et je retiens mes larmes. J'ai trop pleuré en pensant aux moments que je ratais avec lui ou simplement au temps que nous passions loin l'un de l'autre.

J'entends du bruit derrière lui et il demande à quelqu'un de parler un peu moins fort.

— T'es occupé ?

— Tu sais que j'ai toujours du temps pour toi, me rassure-t-il.

Il couvre un peu le son et je l'entends malgré tout parlé à quelqu'un d'autre à propos de boisson.

— T'es à une soirée ?

Il marque une pause et j'entends clairement des gens chanter comme si leurs vies en dépendaient. Mon cœur se compresse. Il boit, s'amuse avec des gens que je ne connais même pas, quand moi, je suis coincé avec mes prochains examens et mes devoirs.

— Donc c'est oui, soupiré-je.

— C'est une accusation ?

— Je sais pas, m'échauffé-je un peu amer. T'en penses quoi ?

— Bébé, arrête. Tu sais que j'aime pas quand on se dispute.

— Moi non plus, mais j'ai l'impression que tu fais tout pour que ça arrive.

Il ne me dit rien et quand il fait ça, c'est pour trouver les bons mots. Enfin la plupart du temps. Il demande aux gens de l'attendre. Une porte claque dans le jardin et il jure à travers le téléphone et reprend la conversation.

— Tu cherches à faire quoi, Greg ? Franchement, ça te plaît de dire ce genre de truc ?

Je décolle l'appareil de mon oreille pour qu'il ne m'entende pas renifler et m'essuyer les joues.

— Bien sûr que non ! Mais je veux te faire comprendre que je suis en train de craquer ! Tu me manques tout le temps, ma tante me met une pression de dingue pour prouver à mes parents qu'elle s'occupe bien de moi, mes notes sont catastrophiques et j'ai personne pour m'aider !

— Grégoire...

— Je suis en train de foncer dans le mur ! vociféré-je. Je sais même pas pourquoi je fais ça, j'ai aucun avenir là-dedans ! Voilà, en fait, je hais ma vie ! C'est comme ça depuis que je suis parti et t'es même pas là pour m'aider !

Il n'y a plus de bruit autour de moi. Seulement le silence et lui qui m'écoute. Ça m'aide à calmer tout ce torrent que j'avais besoin de déverser. Je prends une grande inspiration et compte trois secondes avant de relâcher l'air. Il n'a pas à prendre ma colère, ma peur ou ma frustration en plein visage.

— Pardon...

— Ne t'excuse pas. T'avais besoin que ça sorte.

Je me roule un peu plus en boule et joue de ma main libre avec la couette.

— Ça fait un mal de chien...

— Je suis désolé de ne rien pouvoir faire ce soir. Mais je te promets de venir te voir bientôt. Dès que je peux.

— Comment tu fais pour être si fort ?

— Je le suis pas. Pourtant, je fais mon possible pour que tu sentes que je suis présent pour toi et que je peux t'écouter et te soutenir. Peu importe pour quoi. Je serais toujours là pour toi. Toujours.

Ma main essuie la larme sur ma joue.

— Je suis trop sensible...

— Un chouïa. Mais ça fait partie de ton charme.

Un sourire se dessine sur mes lèvres et je sais qu'il sourit aussi.

— J'ai envie que tu sois près de moi... murmuré-je.

— Et t'imagines pas à quel point j'aimerais être avec toi pour pouvoir te prendre dans mes bras et t'embrasser.

Je m'imagine facilement dans ses bras, avec lui qui me caresse amoureusement et qui efface chacune de mes pensées noires.

— Tu vois la Lune ? lui demandé-je en regardant par la fenêtre.

— Ouais...

— Tant qu'on la verra tous les deux, on ne sera jamais loin de l'autre.

— T'as piqué ça dans un bouquin ? se moque-t-il un peu.

— Avoue que ça t'a plu quand même !

— Tout me plaît quand c'est toi.

— Charmeur.

— Amoureux transi.

On se moque de l'autre, mais gentiment. Ça me fait du bien de penser à autre chose et de pouvoir simplement lui parler.

— On se voit bientôt.

— Oui. Je t'aime.

— Je t'aime aussi. Et une dernière chose... Tu sais très bien que je te trouve talentueux. T'as un vrai don Grégoire, alors ne laisse personne te persuader du contraire.

Il me souhaite bonne nuit et raccroche, avec la promesse que l'on se reverra bientôt.

Je lui fais entièrement confiance là-dessus.

J'attrape mon crayon et une feuille vierge, reprenant tout depuis le début. Ses traits me viennent en tête et je réussis à donner enfin un sens au sujet de la métamorphose. Cet appel était tout ce dont j'avais besoin. Armand sera toujours là pour moi.

AubadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant