ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟚𝟝

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C'est une résolution que j'aurai mieux fait de retarder. Pourtant, je ne pouvais pas laisser les jours défiler sans le voir ou lui parler. J'ai même refusé de retrouver Sébastien pour venir ici. Je dois continuer de penser à lui chaque jour. C'était Grégoire, l'homme de ma vie.

Le vent agresse mon visage, je presse mon manteau contre moi pour tenter de me réchauffer un peu. À travers les allées du cimetière, je croise quelques personnes, plongées dans leur chagrin. Je le cherche, perdu entre tous ces noms inconnus, jusqu'à enfin le retrouver. Je dépose un baiser du bout des doigts sur son nom, un sanglot en travers de la gorge. Ça ne servirait à rien de faire croire que je vais bien, surtout ici. Personne ne me jugera en me voyant pleurer.

— Bonjour mon cœur...

Je ne retiens pas mes larmes. Je suis seul depuis son départ. Chez nous, à chaque seconde qui passe, et ce, depuis maintenant trois mois.

— Tu me manques... T'imagines pas à quel point tu me manques. J'avais encore besoin de toi. On devait passer notre vie ensemble, comme on se l'était promis. Si tu savais à quel point je m'en veux de n'avoir pas su prendre soin de toi comme j'aurai dû.

Je reste à ses côtés de longues minutes, profitant de le savoir encore un peu près de moi malgré le froid mordant. Je donnerais n'importe quoi pour pouvoir être près de lui.

Une présence se fait sentir autour de moi et finit par me dépasser. La sœur de Grégoire dépose le bouquet de roses blanches contre la tombe de son frère.

— Bonjour Armand.

— Bonjour Laura.

Ses doigts se perdent un instant sur la pierre froide et elle s'essuie les joues.

— Je suis désolé que tout ça se soit passé de cette façon, s'excuse-t-elle.

— Ce n'est pas à toi de demander pardon.

— Je sais que c'est davantage à mon frère et à mes parents de le faire, mais je ne peux pas m'en empêcher.

Je me place à côté d'elle et elle pleure discrètement. Contrairement à ce que j'imaginais, je ne suis plus aussi en colère contre elle. Elle aurait dû le défendre quand il était plus jeune, et même après, mais aujourd'hui elle endure sa disparition. Au moins, je ne suis plus le seul à souffrir.

— Je te remercie pour les photos. Ça m'a fait beaucoup de bien de pouvoir revoir mon petit frère et de connaître une nouvelle facette de lui.

— Je risque d'être cruel en disant ça, mais...

— Je sais, m'interrompt-elle, les yeux larmoyants. J'aurai dû faire attention à lui bien avant. Christophe est l'ainé, mais j'aurai dû prendre soin de Grégoire comme lui n'a pas su le faire. C'est sûrement trop tard pour dire ça de toute manière, mais je l'aimais. Pas comme il le fallait, j'en ai conscience, mais j'ai de profonds regrets aujourd'hui pour n'avoir pas su profiter correctement de lui avant son décès.

Elle attrape ma main et serre fort ma paume entre ses doigts glacés.

— Est-ce que tu voudrais bien venir déjeuner chez nous ce midi ? Tu as fait beaucoup de route et ça serait idiot que tu repartes maintenant.

— Ça serait surtout inconscient de ma part si je devais croiser tes parents ou Christophe.

— Mes parents ne viendront pas sans que je ne les aie invités et mon frère est occupé ailleurs. S'il te plaît. Je suis persuadée que si tu partageais la vie de Grégoire, c'est parce que tu es quelqu'un de fantastique. Et j'ai envie de te donner enfin la place que tu mérites dans cette famille.

AubadeWhere stories live. Discover now