ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟟

401 58 27
                                    

Je n'ai pas hésité à mettre mes amis à la porte après avoir reçu la lettre. Je sais très bien qu'ils ont envie de m'aider, mais les voir me prendre en pitié est au-dessus de mes forces.

Shepard m'observe avec un air curieux.

— Tu m'en veux aussi ?

Il se lève et retourne à son panier, en faisant plusieurs tours sur lui-même avant de se coucher.

Assis sur le canapé, je fixe le plafond en resserrant la lettre entre mes doigts. Guillaume a été très clair là-dessus. Je n'ai aucun droit de décision sur le lieu de l'enterrement de Grégoire. Il détestait cet endroit. Ses parents l'ont même forcé à quitter leur maison suite à l'annonce de notre relation. Je ne comprends pas pourquoi ils tiennent à ce point à le faire revenir. C'est ici qu'il a construit sa vie, avec ses amis. Avec moi. À croire qu'ils veulent simplement me faire un doigt d'honneur en affirmant leur conviction grabataire. L'idée qu'il soit à des kilomètres d'ici m'est insupportable.

J'abandonne le mot sur la table basse et attrape la seconde lettre que je n'ai toujours pas ouverte. C'est bien son écriture que je reconnais sur l'enveloppe. Valentin tente de temps en temps de reprendre contact avec moi. Pour une obscure raison. Je place mes deux mains pour la déchirer, mais je me retiens. Je devrais pourtant faire comme avec ses messages ou mails que je reçois tous les trente-six du mois et effacer toutes trace de lui. Mais pour la première fois depuis des années, je n'arrive pas à m'y résoudre. Je me lève et me contente de la ranger au fond du tiroir de la table basse.

— On va se promener ?

Shepard lève d'un seul coup sa gueule et se rapproche de moi en remuant la queue. Prendre l'air me fera du bien et il serait temps que je prévienne Audrey. Pour elle, je préfère le faire en face-à-face.

Je m'habille chaudement, sous les geignements de Shepard qui ne cesse de me tourner autour et je finis par quitter la maison avec lui. Mon regard s'attarde un instant sur ma voiture garée dans l'allée et décide de partir à pied jusqu'à la boutique. Je me demande si je serai un jour à nouveau capable de conduire sans en être angoissé.

Grâce à ça, mon chien a au moins le bonheur de pouvoir renifler le sol tout en effrayant un peu les passants avec sa cinquantaine de kilos et son bandage à la patte. Mon ours blanc boiteux.

Je finis par arriver devant la petite boutique d'art. L'extérieur du petit magasin est construit en veilles pierres, quand l'intérieur à tout d'un bureau moderne avec des meubles en bois blanc. L'affiche sur la porte m'indique qu'il est encore fermé et je contourne la devanture pour sonner à la porte donnant sur la partie habitation. Mon palpitant s'affole. Je n'ai aucune idée de comment lui annoncer la nouvelle. Ce n'est pas quelque chose d'insignifiant, il s'agit de Grégoire.

Je sonne une seconde fois et Audrey finit par m'ouvrir avec un sourire discret. Elle n'a pas beaucoup changé depuis la dernière fois que je l'ai vue. Quelques rides en plus dessinent son visage et ses cheveux blonds sont parsemés de mèches blanches. Elle semble même un peu plus fatiguée.

— Bonjour Armand. Comment va Grégoire ? Ça fait un moment que je ne l'ai pas vu à la boutique et il est toujours ponctuel.

— Bonjour Audrey. C'est justement de ça que je suis venu discuter. Je peux entrer ?

Elle ouvre en plus grand et me laisse entrer avec Shepard. Je le détache et il vient la saluer, avant de venir se vautrer sur le tapis oriental du salon. Il se met à ses aises.

— Est-ce que je peux t'offrir quelque chose ? me propose-t-elle. Un café ? Un thé ?

— Je veux bien un verre d'eau.

AubadeTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon