ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟚𝟚

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Pourquoi j'ai accepté de le voir ? Pourquoi je n'ai pas fait comme d'habitude et ignoré ses appels ? Je devrais être en train de passer la journée avec les autres et pas à devoir attendre que Valentin veuille bien se montrer. Je me suis permis de lâcher Shepard dans le parc puisque à cette heure, tout le monde est chez soi, à préparer le repas de Noël. Mon chien renifle un tas d'herbe, urine dessus et revient vers moi, heureux de sa liberté.

— Retiens-toi. Je compte sur toi pour lui pisser sur les chaussures.

Il s'allonge à mes pieds et je m'affaisse au fond du banc en bois. La chaîne en argent brille à mon poignet. Alexandre est vraiment un abruti. Son cadeau a dû lui coûter un bras en plus de la livraison. Je ne sais même pas pourquoi il a tenu à me l'offrir puisque son mot indiquait simplement qu'il me souhaitait un joyeux Noël. Rien de plus. Je n'ose pas demander aux autres de lui poser la question. Ça serait une catastrophe s'ils l'apprenaient.

Shepard relève la tête et reste allongé malgré la présence de Valentin. Mon frère n'a pas beaucoup changé depuis la dernière fois que je l'ai vu. Ce qui remonte à plusieurs années. Il a toujours ce visage enfantin et ses cheveux châtains mal coiffés.

— Armand !

Il est tout sourire et me fait un grand signe de la main. Rien que de voir son visage me met dans une colère noire. Il n'y a pas assez de mots pour décrire à quel point je le déteste du plus profond de mon âme.

— Je ne vais surtout pas faire comme si j'étais heureux de te voir. T'approches pas plus. Il mord, l'informé-je en lui montrant vaguement Shepard.

Mon frère contemple le canidé qui se met debout et vient lui renifler les chaussures.

Ce dernier, en traître, ne lève pas la patte comme je m'y attendais, mais vient lui lécher les doigts.

— Ton chien m'aime bien, je crois.

Valentin contourne mon ours blanc et vient s'assoir à quelques centimètres de moi sur le banc. Je me décale le plus loin possible de lui.

— Putain... Arrête de faire le gamin, marmonne-t-il.

— Tu oses me dire ça ? Rappelle-moi qui est l'aîné ? Moi. Tu me dois un certain respect et j'ai souvent l'impression que tu ne sais pas ce que c'est.

Il rit et croise les bras sur sa poitrine. Je fais comme lui, attendant que ce soit lui qui commence à parler. Après tout, c'est lui qui tient à me parler depuis des mois. Shepard, complètement désintéressé de notre conversation, repart à l'aventure. Valentin voit peut-être ça comme un signal de départ. Il soupire lourdement et se redresse un peu plus sur les planches.

— Je suis sincèrement désolé.

Je ne sais pas combien de temps, je vais pouvoir me retenir de lui en mettre une.

— S'il te plaît, je veux juste que l'on se reparle comme avant, ajoute-t-il.

Visiblement très peu.

— Non mais tu t'entends ? On dirait que tu fais comme si c'était rien de grave ! m'énervé-je.

— Comment tu peux encore m'en vouloir là-dessus ? J'avais onze ans, merde !

— T'as beau avoir quatorze ans de plus, t'es incapable de comprendre pourquoi t'as merdé ce jour-là.

Il se cache avec ses mains, les coudes en appui sur ses genoux.

— Alors je voudrais que tu m'expliques, si c'est si important pour toi !

— T'as merdé, c'est tout. J'ai rien à t'expliquer.

AubadeWhere stories live. Discover now