Chapitre 12

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Il faisait presque nuit à présent.

L'idée de sortir de la Salle des Origines en claquant la porte derrière moi m'avait paru bonne jusqu'à ce que je me perde dans les couloirs du château. Alors j''avais marché pendant près d'une demi-heure, tantôt sur du carrelage, tantôt sur de la moquette, tremblante de rage, les yeux à moitié fermés comme si cela pouvait empêcher mes larmes de couler.

Disparu. Ils avaient disparu.

Je les entendais me chercher. Darius avait passé l'heure qui avait suivi mon départ à fouiller dans tous les coins, manquant plusieurs fois de me trouver, jusqu'à ce qu'Alexander lui demande de « me laisser tranquille ». A présent, ça faisait trois heures que j'étais cachée au fond de cette pièce poussiéreuse, les yeux rouges, recroquevillée contre le mur. Je fixais l'horloge en face de moi. Si elle était à l'heure, il était dix-neuf heures trente. J'avais faim, j'avais froid, j'étais fatiguée, mais chaque mouvement me semblait de trop, et je n'aurais pas supporté de me montrer comme ça. J'entendais des gens passer dans le couloir, derrière la porte fermée, et, de temps en temps, mon nom, à moitié crié et à moitié chuchoté.

En cet instant, je les haïssais, même si je n'avais aucune raison. Ce n'était pas eux qui avaient fait disparaître ma famille, ou qui avaient « placé le sort du monde entre mes mains » ... et pourtant. Et pourtant, ils auraient pu me le dire. Ils avaient attendu le dernier moment, parce qu'ils étaient lâches.

Sans compter tout ce qui s'était passé avant. Mon rêve. J'avais à peine eu l'occasion d'y repenser depuis, mais il était encore clair dans mon esprit. Je le sentais important, mais je ne savais pas pourquoi, et j'avais décidé de haïr les seules personnes qui auraient pu m'éclairer.

Les secondes me paraissaient des minutes, et les minutes des heures, pourtant l'aiguille sur l'horloge ne semblait pas bouger d'un pouce. Je posai le menon sur mes genoux, et je dus m'endormir malgré la position inconfortable, car je me réveillai à moitié en entendant des bruits de pas dans le couloir.

Quelqu'un ouvrit la porte et la referma. Dans la pénombre, je crus que c'était Darius jusqu'à ce que le nouvel arrivant prenne la parole.

- Tu es là ?

Il avait une voix grave, timbrée, légèrement voilée. Une voix si rassurante que je n'eus qu'une envie, me rouler en boule et fermer les yeux.

La dernière chose que je vis avant de m'endormir complètement fut un éclair rouge sombre capté par un rayon de lune, et son visage, masculin et jeune, à moitié dissimulé par ses cheveux, tandis qu'il s'agenouillait près de moi. Je le sentis glisser ses bras sous mon dos, et mon corps décolla du sol.


Nahui Ollin - Le Cinquième SoleilWhere stories live. Discover now