Chapitre 44

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J'ouvris les yeux. Et, durant une seconde, je ne crus pas ce que je voyais.

La première personne que j'aperçus fut Adrian, debout à moins d'un mètre de moi. Sur son visage se mêlaient le choc et la terreur, mais une minuscule étincelle de soulagement luisit dans ses yeux quand je croisai son regard. Sa main gauche était posée sur mon épaule ; sa main droite serrait toujours la crosse du pistolet, si fort que les jointures de ses doigts devenaient blanches. Il tremblait.

Il était vivant.

- Tu...

Je ne finis pas ma phrase. Je venais de croiser le regard écarquillé et figé de Vittoria, debout derrière lui. Je ne voyais que son visage, son corps était masqué par celui des deux garçons. Darius poussa un cri quand les jambes de la jeune fille flanchèrent. Adrian se retourna vivement, et je la vis enfin entière, je vis ce que je n'avais pu voir jusqu'alors. Une sorte de tache rouge sur sa poitrine, qui tranchait avec sa chemise blanche et ses cheveux noirs.

Vittoria tomba par terre, et Darius s'effondra à ses côtés en hoquetant. Adrian recula en titubant, l'air sonné et horrifié.

Je ne comprenais pas. Comment étais-ce possible ? Adrian avait pointé le canon sur sa tempe, et Vittoria se retrouvait avec une balle dans la poitrine. Qu'est-ce que je n'avais pas vu ? Qu'est-ce que mes yeux fermés m'avaient fait louper ?

Je ne repris mes esprits que quand Darius me hurla de venir. Je m'accroupis à côté de lui et de Vittoria.

- Qu'est-ce que je fais ? s'exclama-t-il d'une voix désespérée. Cass, tu sais ce qu'il faut faire ?

Je secouai la tête, presque hystérique.

- Mais j'en sais rien, comment je saurais ? lui criai-je. Je sais même pas ce qui s'est passé !

Ma voix résonna dans la salle. Darius me saisit par le poignet.

- Je m'en fous. Aide-moi, il faut arrêter le saignement, il faut...

Le plus rageant était que si nous avions été dans un hôpital, Vittoria aurait pu être soignée. Mais ici... nous ne pouvions rien faire. Néanmoins, je laissai Darius tenter de stopper l'hémorragie. Vittoria respirait encore.

Ses yeux se plantèrent dans les miens.

- Cass, souffla-t-elle.

- Quoi ?

Je ne ressentais rien. Même pas de la tristesse, ni de la colère, ni de la peur. J'étais loin, très loin, j'étais un fantôme, je flottais au-dessus de cette scène affreuse et je n'avais rien à voir là-dedans. J'avais du mal à respirer.

- Donne-moi mon téléphone, ordonna-t-elle d'une voix faible mais encore compréhensible. Vite.

Je fouillai dans ses poches jusqu'à ce que je le trouve et je le lui tendis.

- Qu'est-ce que tu fais ? siffla Darius.

Je ne lui répondis pas. Sans doute parce que je n'en savais rien.

Vittoria saisit son portable et pianota quelques instants dessus sans que je puisse voir ce qu'elle faisait. Puis elle le posa par terre, tâtonna un instant, trouva une pierre et le détruit.

Bizarrement, ce fut cette action qui me choqua.

- Pourquoi t'as fait ça ? m'exclamai-je.

Elle ferma les yeux et se blottit contre son frère, qui s'immobilisa, semblant enfin se rendre compte de l'inutilité de ce qu'il faisait.

- Pense à vérifier ta boîte mail, me dit-elle.

- Qu'est-ce que tu racontes ? soufflai-je.

- La douleur la fait délirer, déclara Darius d'une voix blanche.

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