Chapitre 22

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Cette fois, mon rêve ne se déroulait pas dans une pyramide en pierre mais dans une ville.

Un grand cliché, malheureusement : nuit, pleine lune, brume blanche serpentant entre les maisons et m'arrivant à mi-cuisse. Le silence était oppressant mais je n'osais pas le briser, de peur que le charme se rompe et qu'un fantôme se précipite sur moi en hurlant.

Cela finit par arriver, même si je n'avais pas bougé d'un pouce, agenouillée dans le brouillard. Quelqu'un tourna à l'angle de la rue la plus proche et marcha vers moi, et, sans surprise, je reconnus la femme de la veille.

J'étais pratiquement sûre que je rêvais, même si son arrivée me troubla. Après tout, je l'avais vue à la fois dans la réalité et en rêvant. Il y avait de quoi avoir des doutes...

Quand elle s'arrêta devant moi, j'arrêtai de penser à ce genre de détails secondaires pour la contempler. Elle était vêtue de la même manière que la veille, tout en blanc, avec un voile qui laissait deviner des traits féminins.

Je me redressai et tentai de reculer, mais j'étais comme clouée sur place, incapable de bouger. Phénomène surnaturel ou peur paralysante ? J'aurais été bien en peine de le dire.

- Cassandra Sane, lâcha la femme.

Elle avait une voix sans âge, qui aurait pu aussi bien être celle d'une petite fille que d'une grand-mère. Dans l'hypothèse où une grand-mère pouvait dégager autant de présence et de pouvoir. J'avais envie de retomber à genoux sous la force qui se dégageait d'elle.

J'ouvris la bouche pour lui demander qui elle était quand je compris. Évident.

- Vous êtes Cihuacoatl.

J'eus l'impression qu'elle souriait derrière son voile. Un sourire de mère, pas de puissante déesse habillée en mariée.

- Tu n'as toujours pas compris, dit Cihuacoatl. Tes yeux s'éclairent comme si tu venais de rencontrer ta sauveuse, mais je ne suis pas l'élue. C'est toi. Je suis là pour te guider, pas pour te remplacer.

Et je compris qu'elle avait raison. Sans même m'en rendre compte, j'avais espéré. Espéré qu'une fois que je l'aurais rencontrée, elle prendrait la relève, claquerai des doigts, ferait apparaître mes parents, et que tout rentrerait dans l'ordre.

- Pourquoi ? demandai-je. Vous pourriez m'aider. Ma famille. Ce n'est pas hors de votre portée, si ?

Elle secoua la tête et tendit la main vers moi. Une main ridée, celle d'une femme âgée. Elle me caressa la joue, tendrement.

- Je ne peux pas, murmura-t-elle. Je suis désolée. Ce n'est pas mon rôle, ça ne l'a jamais été.

J'avalai ma salive.

- Aidez-moi à comprendre, alors. J.C. Qu'est-ce que ça signifie ?

Elle pencha la tête de côté. Sa main retomba, mais je l'attrapai.

- S'il vous plaît, ajoutai-je.

Elle me pressa les doigts.

- Réfléchis, Cassandra. Tu as suffisamment d'indices. Je ne peux pas t'en dire plus. Je ne peux pas intervenir.

- Mais je n'ai aucun indice ! protestai-je. Rien. Nada. Deux pauvres lettres. C'est tout.

Elle retira sa main.

- Réfléchis.

J'eus droit à un dernier sourire, puis elle fit demi-tour et s'évanouit dans la brume.


Nahui Ollin - Le Cinquième SoleilWhere stories live. Discover now