Chapitre 38

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L'homme était grand et maigre, chauve, vêtu d'habits noirs et d'un long manteau. Aucun trait ni signe particulier ne le différenciait des autres gens. Il était banal. C'était probablement pour ça que Tepeyollotl l'avait choisi.

Nous le suivîmes sans rechigner à l'extérieur de l'hôtel, sur le parking. Il se dirigea vers une Jaguar noire.

- Au moins, il a le sens de l'humour, marmonna Darius.

Ne monte jamais en voiture avec des inconnus... je ne pensais pas un jour désobéir à cette règle, encore moins volontairement, et sûrement pas en sachant très bien que l'inconnu en question était habité de mauvaises intentions. Pourtant, quand il ouvrit la portière arrière, aucun de nous n'hésita avant de franchir le seuil de la voiture. Cela faisait longtemps que chacun de nous s'était préparé à ce moment.

Comme j'avais passé les dernières heures à dormir et que j'étais surexcitée et terriblement angoissée à la fois, j'étais incapable de fermer les yeux. Les autres semblaient dans le même état que moi. Darius et Adrian questionnaient sans relâche l'homme, qui ne leur adressait même pas un regard, se contentant de garder les yeux fixés sur la route sans un mot.

Le temps passa. Les secondes devenaient des minutes et les minutes des heures. Je gardai les yeux fixés sur la fenêtre, en regardant le paysage défiler. Pour me changer les idées, pour oublier ce qui nous attendait au bout du trajet, je pensais à Adrian, ses cheveux qui effleuraient mon front, la façon dont ses bras m'avaient enlacée, comme si cela faisait des semaines qu'il n'attendait que ça.

Je me détestais. Comment pouvais-je penser à ça dans un moment pareil ? On me traitait comme un animal au destin écrit depuis sa naissance, en train de marcher vers l'abattoir. Et moi, au lieu de tenter de trouver un autre chemin, je ne pensais qu'à l'amour. Je haïssais l'adolescence.

Cela faisait longtemps que nous roulions. J'avais faim - je n'avais rien mangé depuis la veille - et la tempête de sentiments en moi menaçait de déborder. J'avais peur. Pas une peur paralysante, plutôt un genre d'appréhension qui s'insinuait en moi au fur et à mesure que le temps passait au compte-goutte.

Je tournai la tête vers l'intérieur de la voiture. Je m'étais assise tout à gauche de la banquette, Adrian tout à droite, et Vittoria s'était mise entre nous, laissant la place passager à Darius, qui était seul avec l'homme. J'eus brièvement pitié de lui.

J'avais mon téléphone dans les mains, mais je n'avais pas besoin de l'allumer pour savoir qu'il serait inutile. Jamais l'homme ne nous aurait laissés les garder s'ils nous servaient à quelque chose. Je n'avais plus aucune connexion. Rien. Et je commençais à me dire que nous n'avions pas fait le bon choix. J'aurais aimé en parler avec Vittoria, mais elle avait fermé les yeux, une moue concentrée sur le visage.

Au bout de trois heures, dont les deux dernières passées dans un silence parfait, l'homme gara la voiture dans un parking souterrain et nous fit sortir. Nous le suivîmes à l'extérieur, et je vis que la sortie débouchait sur une piste d'atterrissage. Un petit avion nous attendait

- Un jet privé, carrément, fit Adrian.

- Ah non, lança Darius en pilant net. Pas d'avion. S'il vous plaît. Je ne rentre pas là-dedans.

- Darius... soupira Vittoria.

- Il n'a jamais été question d'avion.

L'homme se tourna vers lui et parla pour la première fois :

- Montez dans l'avion.

- Mais...

Il était pâle et ses mains étaient agitées.

Nahui Ollin - Le Cinquième SoleilDonde viven las historias. Descúbrelo ahora