Chapitre 21

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Je me réveillai déterminée et de bonne humeur, pour la première fois depuis plusieurs jours. Curieusement, au lieu de me terrifier ou de me désespérer, le signe que j'avais vu sur la vitre m'avait stimulée. Et ma discussion avec Darius, quoi qu'ordinaire, m'avait réconfortée. Je m'étais presque coupée de lui et des autres, et je ne me rendais compte que maintenant que ce n'était pas la bonne tactique.

Je me levai, allai me doucher, puis j'ouvris mon placard. Depuis mon arrivée, il n'avait cessé de se remplir, passant des vêtements les plus ordinaires - jean, tee-shirts - aux plus élégants - robes moulantes, tailleurs, même des chaussures à talon haut. Je me demandais bien à quelle occasion j'allais pouvoir porter celles-ci.

J'enfilai un jean et un pull bordeaux, puis je sortis de ma chambre. Le petit déjeuner était servi à neuf heures pile, c'est-à-dire dans dix minutes. C'était devenu mon repas préféré, pour la seule et unique raison qu'Antonio et Alexander Loss n'y participaient pas, préférant le prendre en tête à tête en discutant d'affaires d'adultes, comme s'ils étaient collègues et non pas père et fils. Je n'étais pas certaine qu'Alexander serait allé à ces repas s'il avait le choix.

Quand j'arrivai dans la salle à manger, Vittoria et Darius étaient déjà assis à table et me lancèrent un « bonjour » traînant. Je m'installai à côté de Vittoria, et j'étais à peine assise qu'Adrian apparut à son tour, par une autre porte.

- Salut, dit-il en se laissant tomber sur la chaise la plus proche.

Je lui répondis en marmonnant, mais Vittoria se redressa.

- Où est-ce que tu étais ?

Il releva la tête, et je vis les cernes sous ses yeux.

- Pourquoi serais-je allé quelque part ? répliqua-t-il.

- Tu n'es pas arrivé par la bonne porte. En principe, si tu avais dormi dans ta chambre, tu serais arrivé par elle (elle désigna la porte derrière nous). Pourquoi as-tu dormi dans la Salle 143 ?

Il soupira et tendis la main vers un verre d'eau, que Vittoria saisit et éloigna. Il haussa un sourcil.

- J'ai interdiction de m'hydrater ? demanda-t-il.

- Oui, tant que tu n'auras pas répondu à ma question. Tu es sorti hier soir ?

Il écarta les bras.

- Oui, oui, oui. Et alors ?

Elle resta figée quelques instants, puis reposa le verre. Elle avait l'air furieuse, très furieuse, et pour la première fois, je remarquai l'espèce de tension qu'il y avait entre elle et Adrian.

- Et qu'est-ce que tu as fait ? demanda-t-elle d'un ton soudain froid et désintéressé, sans le regarder.

- Tu tiens vraiment à le savoir ? répliqua-t-il. Certaines scènes de cette mémorable soirée sont interdites aux moins de seize ans. Ah ! Mais attendez, tout le monde a seize ans, ici ! Alors, tout d'abord, j'ai...

- Tais-toi, dit Vittoria. Adrian, tais-toi, ou je te jure que tu vas recevoir ce verre d'eau en pleine face et tu ne vas pas comprendre ce qui t'arrive.

- Je t'ai entendu proférer de bien pires menaces à mon encontre, fit-il observer d'un ton railleur.

La main de Vittoria se crispa sur la table, et je me rendis compte que ce malaise entre eux d'eux ne datait pas de ce matin. Comment n'avais-je pas pu voir à quel point ils étaient tendus et désagréables l'un envers l'autre ?

La réponse était simple, malheureusement. Ces derniers jours, je n'avais pas été très présente. Mais vu la façon dont ils se regardaient tous les deux, cela durait depuis bien plus longtemps qu'une semaine.

Nahui Ollin - Le Cinquième SoleilWhere stories live. Discover now