Chapitre 18

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Rien ne sert de courir, il faut partir à point.

Au cours des minutes qui suivirent, j'entendis une dizaine de versions de cette phrase, de la part d'Adrian et Darius.

- Franchement, dit ce dernier alors qu'il me guidait entre les couloirs. A quoi ça te servait de courir jusqu'à la porte puis d'attendre toute seule devant parce que tu ne saurais pas retrouver le chemin ?

- Ça n'a pas été ma première pensée, marmonnai-je.

Quand je reconnus le couloir du bureau d'Alexander, je les dépassai et toquai. Un geste inutile, puisque j'entrai avant qu'il ait le temps de répondre. Une femme et un homme, Alexander, se tenaient debout au milieu de la pièce. Ils parlaient à voix basse, mais se turent en me voyant entrer.

- C'est elle, dit Alexander.

La femme se tourna vers moi. Avec son chemisier gris, son tailleur strict et ses chaussures à talon, elle m'évoquait une femme d'affaires, mais il devait plus probablement s'agir d'une des agentes d'Alexander, comme il ne manqua pas de me le confirmer.

- Lisia est une de mes meilleures informatrices et enquêtrices, annonça-t-il. Ce matin, elle a décidé de fouiller à nouveau ta maison, Cassandra, et bien lui en a pris. Elle a décelé ce qu'une équipe entière n'avait pas remarqué.

Darius et Adrian entrèrent à leur tour et refermèrent la porte derrière eux. Je croisai les bras.

- Qu'est-ce que c'est ? demandai-je en tâchant de rester impassible.

La porte s'ouvrit à nouveau puis se referma. Vittoria.

- Un indice, dit Lisia, les yeux brillants. Des lettres écrites sur un bout de papier, tout simplement.

- Je peux le voir ? demandai-je.

Elle quêta l'autorisation d'Alexander, qui la lui donna, et elle prit un bout de feuille déchirée sur le bureau.

- Cela ne vous paraît pas étrange que personne ne l'ait remarqué avant ? demanda Darius de très loin, mais je n'y prêtai pas attention.

Toute ma concentration était focalisée sur le bout de papier dans ma main. Je le lis une fois, puis deux, puis une troisième fois. Rien du tout.

Ce n'était rien du tout.

- Nous savons que ce n'est pas un très gros indice, commença Lisia, mais s'en est un tout de même. Il s'agit de l'écriture de votre père. Il vous a laissé un indice.

Je regardai encore une fois « l'indice » dans ma main. Je n'avais jamais rien vu d'aussi inutile. Deux lettres. Deux stupides lettres écrites en gros sur un bout de papier déchiré.

J.C.

- Réfléchis, Cassandra, dit Alexander. Ces lettres ne te disent rien ?

On me prit doucement le papier des mains. Adrian.

- J'ai déjà vu mieux, comme indice, commenta-t-il. C'est peut-être de l'encre invisible ?

- J'ai déjà essayé, répliqua Lisia. De plus, vu l'écriture, ce message a été écrit dans l'urgence. Pas le temps de rechercher le stylo à encre invisible.

- C'est vrai, reconnut Adrian.

- Réfléchis, Cassandra, répéta Alexander.

Je reculai.

- Je peux garder ce papier ? demandai-je.

Adrian me le rendit. Lisia consulta Alexander du regard.

- Oui, si ça t'est utile pour réfléchir, dit-il en haussant les épaules. Nous avons déjà fait toutes les analyses nécessaires.

- Merci.

Je le glissai dans ma poche de jean.

- Je vais y réfléchir, dis-je ensuite, puisque c'était ce qu'il attendait.

Il acquiesça.

- C'est tout ce qu'il y avait à voir. Que tout le monde sorte de mon bureau. Excepté Lisia.

Je me retrouvai dans le couloir avec Vittoria, Adrian et Darius. D'un commun accord, nous nous dirigeâmes vers la salle 143 et j'en profitai pour rendre sa veste à Adrian en le remerciant.

Arrivée à l'intérieur, Vittoria se laissa tomber sur un canapé, et je m'assis près d'elle, tandis qu'Adrian et Darius faisaient pareil sur l'autre. Ils commencèrent par discuter de ce qu'ils appelaient un indice, puis, voyant que je ne participais pas, la conversation dériva sur des sujets badins.

Pour la première fois, je me désintéressais totalement de ce quoi ils pouvaient bien parler. J'y avais tellement cru, j'avais été persuadée que ce n'était plus qu'une question d'heures une fois qu'on aurait eu un premier indice. Mais il ne voulait rien dire. J.C... J.C...

Pour la première fois, je me demandai si je les retrouverais un jour.


Nahui Ollin - Le Cinquième SoleilWhere stories live. Discover now