Chapitre 14

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Ce fut lorsque je refermai la porte derrière moi que je remarquai que j'étais seule dans le couloir. Vittoria avait disparu, et aucun membre du personnel - je ne pouvais quand même pas me résoudre à les appeler « esclaves » - n'était en vue. Tant pis.

Comme j'avais le souvenir d'être arrivée par la gauche, je repris ce chemin en espérant très fort que mes souvenirs n'étaient pas erronés. Avec un peu de chance, je tomberai sur quelqu'un.

Je sais, je sais. J'aurais tout aussi bien pu retourner dans le bureau de Monsieur Loss pour lui demander le chemin. Mais à la réflexion, je crois que j'aurais préféré passer ma journée à errer dans cet endroit plutôt que lui demander de l'aide.

- Il n'attend que ça, marmonnai-je.

Je virais sans doute un peu parano.

Au bout de dix minutes, persuadée que je ne retrouverais jamais mon chemin, j'étais tellement concentrée sur mes pieds que je failli me cogner dans Darius au détour d'un couloir. Il sursauta puis m'attrapa par la manche.

- Cassandra ! s'exclama-t-il.

Il avait dû parler un peu trop fort à son goût, car il répéta en chuchotant :

- Cassandra !

- Oui, c'est bon, j'avais très bien compris la première fois, répliquai-je.

Il me dévisagea puis se pinça une nouvelle fois l'arête du nez.

- Tu es perdue ?

- Pas du tout.

Je ne devais pas avoir l'air très convaincante, car il soupira :

- Si, tu es perdue. Si tu veux retourner à ta chambre, c'est par-là.

Il me désigna l'escalier au bout du couloir.

- Tu montes jusqu'au deuxième étage, puis tu tournes à gauche, puis deux fois à droite, puis tu redescends un escalier pour aller dans l'autre aile, puis...

- Je ne veux pas retourner à la chambre, coupai-je.

Il s'interrompit.

- Ah oui ? Et que veux-tu faire ? Te balader ? Il te faut un GPS ?

- Tu poses beaucoup de questions, fis-je remarquer. Je ne pensais pas que mon confort t'importait autant.

- Balance encore une remarque de ce genre et je t'abandonne au milieu de ce couloir.

- La menace suprême. Je suis terrifiée. Est-ce c'est la torture d'usage quand vous avez des prisonniers ? Vous les lâchez dans un couloir jusqu'à ce qu'ils meurent de faim et d'épuisement ?

- Je t'en prie. Nous avons des moyens bien plus sophistiqués. Tu veux visiter la salle de torture ?

Je ne savais pas s'il me faisait marcher, et je n'avais aucune envie de le savoir.

- La salle à manger me suffira, répondis-je. Je n'ai rien mangé depuis lundi, excepté le petit-déjeuner qu'un membre du personnel m'a amené ce matin et que je n'ai pas eu le temps de finir.

Ce n'était pas le comportement que j'aurais dû avoir en tant qu'invitée, mais comme j'étais ici un peu contre mon gré, j'estimai avoir droit à un peu d'irrespect. Je sais. Cette façon de penser n'était pas digne d'une jeune fille bien élevée.

Darius soupira et me fit signe de le suivre, et je lui emboîtai volontiers le cas. En y repensant, c'est vrai que mon dernier vrai repas remontait à longtemps.

Après de nombreux escaliers montés puis descendus et autres couloirs, nous arrivâmes dans une pièce de taille normale - le fait que je ressente le besoin de le préciser montrai bien à quel point le reste de la maison était démesuré. Les seuls meubles étaient une étagère contre un mur, un petit plan de travail, deux canapés et une table basse. Aucun sentiment de grandeur, ici ; c'était petit mais agréable.

Nahui Ollin - Le Cinquième SoleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant