Résistances [yoonminkook]

31. où Seokjin parle

Il avait senti son cœur cesser de battre, en entendant la nouvelle.

C'était dans le bureau, il était affairé à taper un ennuyeux rapport à la machine, lorsque son supérieur avait reçu un coup de téléphone.

Certainement le responsable local des actions de Pacification, et son ami proche, à en juger par le ton décontracté de la voix.

Son supérieur avait écouté attentivement son interlocuteur et Seokjin, qui avait sensiblement réduit sa vitesse de frappe pour prêter l'oreille à la conversation, avait vu son visage s'éclairer.

— Quelle bonne nouvelle ! s'était-il écrié dans leur langue. Depuis le temps que je veux la tête de ce RM.

C'est à cet instant que Seokjin avait senti toute force le quitter.

Car, même s'il savait que ce jour risquait fort d'arriver, il avait tout fait pour l'oublier.

Il avait tout fait pour oublier que lui et l'homme qu'il aimait étaient de deux camps opposés.

Tout fait pour oublier que cet homme, intelligent, drôle, cultivé, et si attentionné avec lui, était un membre actif de la Résistance. Bien sûr, Namjoon ne lui en avait jamais rien dit, et Seokjin n'avait pas cherché à savoir, préférant ignorer le plus possible pour rester dans leur bulle.

Mais les faits s'étaient imposés d'eux-mêmes.

C'étaient les coïncidences d'emploi du temps trop nombreuses, les quelques blessures ou égratignures cachées mais que Seokjin devinait sur le corps de son amant, juste après qu'une opération soit venue mettre à mal l'armée.

C'était la fièvre de la justice et de l'indépendance, que Namjoon avait du mal à cacher. C'était cette forêt qu'il avait dit faire pousser.

C'était son visage qui se tendait dès que Seokjin laissait volontairement glisser une bribe d'information.

Son intelligence, sa posture de leader, qu'il s'efforçait de cacher au travail mais qui ressortait à la moindre occasion, sa haute stature et ses traits fins qui correspondaient tant à la description de RM, le chef du réseau local, connu mais insaisissable.

Lorsque la vérité s'était peu à peu dévoilée dans l'esprit de Seokjin, il en avait d'abord été inquiet, puis fier. L'homme qu'il aimait était ce qu'il affirmait, jusqu'au bout.

Depuis, la crainte de le perdre s'était faite de plus en plus forte.

Seokjin savait qu'il risquait lui aussi sa peau si Namjoon était pris, à côtoyer aussi intimement un membre de la Résistance, mais ce n'était pas ce qui le souciait. Il n'avait plus personne qui l'attendait là-bas, au pays, depuis qu'il avait préféré s'éloigner des amis et de la famille fanatiques, qui suivaient eux aveuglément leur leader.

Ce leader que Seokjin exécrait, cet homme fou et dangereux qui les gouvernait. Qui voulait gouverner le monde et en gommer une partie de sa population.

C'était ce qui avait motivé Seokjin à postuler à un poste administratif dans le pays occupé. Cette haine de ce que son pays faisait, cette volonté d'agir, même à minuscule échelle, plutôt que de rester dans une immobilité et une rage impuissante.

Ça et son amour pour le pays qu'ils avaient vaincu, sa langue, sa culture, son histoire. Ses habitants. Cet habitant, maintenant.

Namjoon lui avait apporté une chaleur dont Seokjin ne pensait pas manquer, avant. Un équilibre, une reconnaissance, la conviction d'être avec la bonne personne.

Le bonheur, tout simplement.

Alors, quand il avait entendu le risque qui pesait sur RM, il avait senti cette peur l'envahir tout entier.