36.

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 « Ça va comment ? »

Horty se tourna vers Baghera qui l'observait depuis l'autre côté de la chambre, la mine inquiète. Son premier réflexe était de l'envoyer balader. De lui dire de se mêler de ses affaires et de la laisser tranquille. Mais elle voyait bien que ça aurait été injuste. Elle n'était cependant pas encore tout à fait prête à s'adresser gentiment à elle. Il était trop tôt.

Elle haussa les épaules et alla se réfugier dans la salle de bain. Il fallait qu'elle prenne un peu de temps seule pour analyser la situation. Elle remarqua que son maquillage était dans un état pitoyable. En même temps, sa priorité n'avait pas exactement été de se démaquiller la veille au soir. Elle voulait plutôt éviter d'arracher la tête de sa coloc, ça aurait fait mauvais genre sinon. C'était quand même bizarre cette histoire de loup-garou. En théorie, c'était lié à la pleine lune cette connerie, alors pourquoi elle se retrouvait à se transformer aléatoirement comme ça ? Elle avait pas téléchargé une application d'astronomie pour rien ! Si ? Ça prenait de l'espace sur son téléphone qui lui demandait déjà de supprimer une photo dès qu'elle voulait en prendre une autre... En plus de ça, le seul autre bouffon de loup-garou de cette université n'avait pas l'air de comprendre beaucoup mieux qu'elle pourquoi ses métamorphoses étaient aussi aléatoires. Quand Alphacast se transformait, il ressemblait plus à un bon toutou sous stéroïdes qu'à la bête sanguinaire et assoiffée de sang qui s'emparait d'elle.

Horty se souvint soudain de ce qui s'était passé hier avec plus de détails. Elle avait attaqué Baghera. Et pas qu'un peu. Elle lui avait ouvert le bras... Il fallait qu'elle lui demande si elle allait bien. C'était la moindre des choses. Elle sortit de la salle de bain.

« Ça va ton bras ? » lança-t-elle de but en blanc.

Baghera fut prise de court. Elle la regarda un moment avec les yeux grands ouverts en essayant de comprendre la question qui lui était adressée.

« Ton bras... » répéta Horty.

Les yeux de Baghera se baissèrent sur son bras. Il était recouvert d'un bandage tout propre. Elle comprit enfin de quoi on lui parlait.

« Ah oui, mon bras ! Euh, bah oui ça va. On m'a mis ça à l'infirmerie. Ah oui et on m'a dit que je pouvais aller à un cours de mage ou de soigneur pour que les nouveaux s'entraînent sur moi.

— Hein ?

— Bah ouais, genre pour qu'ils essayent leurs sorts et leurs potions quoi.

— Mais c'est hyper dangereux !

— Oh bah non, je crois pas. Il y a quand même les anciens avec eux ! Et puis bon, j'ai un peu envie d'essayer. »

Horty resta un moment interdite. Pas étonnant qu'elle vienne se jeter dans la gueule du loup-garou, cette meuf n'avait apparemment aucun instinct de survie. Elle n'avait rien à envier à Bella Swan, même pas besoin d'un vampire beau gosse et mystérieux qui brille au soleil. Ça faisait de belles économies de budget pour les effets spéciaux.

« Sinon... euh, c'est un choix artistique ce maquillage ? »

Horty ne comprit pas tout de suite la remarque. Elle se tourna vers le miroir pour remarquer qu'elle avait maquillé un seul de ses yeux de manière pour le moins incertaine avant de se rappeler qu'elle avait blessé quelqu'un la veille. Le résultat était effectivement plus que cocasse. Elle ne put s'empêcher de rire.

« Ça peut être un nouveau style, tu penses pas ? demanda-t-elle.

— Si, si... c'est... original. »

L'air dubitatif de Baghera était vraiment très drôle et Horty décida de la laisser dans le doute. Elle se réfugia de nouveau dans la salle de bain. Elle se surprit à sourire dans le miroir. Pas le sourire sarcastique qu'elle avait l'habitude d'arborer pour montrer au monde à quel point elle le détestait. Un vrai sourire comme elle en avait rarement eu ces derniers temps.

C'était agréable. Elle l'avait presque oublié. Mais elle regretta un peu en y repensant. Baghera allait penser qu'elles étaient amies. Elle allait se faire des idées. Horty n'avait pas d'amis. Les amis, ça servait seulement à donner des coups de couteau dans le dos. Et elle avait déjà essuyé trop de coups.

Elle avait beau avoir l'impression que Baghera était différente, c'était risqué. Pourtant... pourtant elle avait envie de donner sa chance à sa coloc'. D'y croire... ou peut-être plutôt, d'assurer sa sécurité. L'idée de la voir se jeter au devant du danger comme elle l'avait fait hier la mettait mal à l'aise. Elle n'irait pas jusqu'à admettre qu'elle s'inquiétait pour elle et qu'elle serait triste s'il lui arrivait quelque chose, mais ça ne lui ferait pas plaisir non plus.

Elle ré-attaqua son maquillage pour se donner un air plus présentable et tenter de penser à autre chose. Elle savait pourtant très bien que ça ne servait à rien. Ça faisait bien longtemps que son cerveau décidait tout seul de ce à quoi il voulait penser. Et en ce moment, il avait décidé de penser à Baghera et à la patience avec laquelle elle la traitait depuis qu'elles s'étaient rencontrées. Elle ne s'était jamais énervée contre elle. Elle avait toujours tendu la main, littéralement... Et Horty n'avait fait que lui rentrer dedans. C'était injuste. Et il était peut-être temps qu'elle fasse son mea culpa. Ou juste un geste au moins.

Elle soupira rien qu'à l'idée. En même temps... elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. Si elle n'avait pas commencé par agir comme une connasse finie, elle n'aurait pas à subir ça.

Elle appliqua minutieusement son maquillage pour retarder l'échéance de son premier pas. Mais elle ne pouvait pas se recouvrir le visage d'une couche de peinture simplement pour ça. Il y avait des limites à son hésitation. Elle inspira finalement et sortit de la salle prête à décocher sa phrase. Baghera était à son bureau, manifestement en train de regarder quelque chose sur son ordinateur.

« Merci pour hier. »

Horty avait grommelé son excuse en regardant ailleurs.

« Hein ? T'as dit quelque chose ? »

Horty se retourna vers sa coloc qui venait d'enlever son écouteur. Comment est-ce qu'elle n'avait pas pu le remarquer ? Évidemment qu'elle devait avoir quelque chose dans les oreilles si elle regardait un truc.

« Merci pour hier, répéta laconiquement Horty.

— Oh bah de rien, c'est normal. Si t'as besoin d'aide une autre fois tu peux me le dire !

— Ouais... ça ira merci. »

Horty tourna les talons et sortit de la chambre. Elle se rendit compte qu'il y avait des moyens plus simples de fuir une conversation que de sortir sans sa clé ni son téléphone. Elle hésita un moment sur la conduite à tenir. Des pas dans le couloir la firent opter pour regagner sa chambre.

Ce serait peut-être un peu humiliant aux yeux de Baghera, mais ça limitait les dégâts. Elle affecta un air serein et remonta vers son lit avant de fermer les rideaux devant le regard de Baghera, qui se garda de tout commentaire.

Horty se laissa tomber dans son lit et ferma les yeux. Elle n'était plus à une humiliation près.

Nos Étoiles MystèresWhere stories live. Discover now