Chapitre 2

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Qui voudrais n'pas avoir des extraterrestres aux pieds quoi


A vingt heures, sous un soleil orangé, un pick-up couvert de boue passa sous le porche en bois qui délimitait la propriété du ranch Henning.


Les mains de Noémie tremblaient inconsciemment, son ventre se tordait dans tous les sens et un feu d'artifice éclatait dans sa tête. Elle avait peur mais était aussi si impatiente de poser les pieds à terre et de se sentir enfin chez-elle.

La France était plus une sorte de refuge. Oui, elle y a vécu toute sa petite vie, mais c'est au Texas qu'elle se sent chez-elle. Elle ne saurait expliquer pourquoi... En France elle avait bien eu des amis mais il lui semblait que plus rien ne la rattachait au pays de son père. Si jamais ses parents divorçaient, elle avait toujours rêvé que sa mère et elle viennent ici, vivre au ranch, avec Maggie. Selon elle, personne ne devrait trop lui manquer. Même le temps d'un été.

Ellen'avait eu aucun plan pour ces deux mois de toute manière...Personne ne lui avait proposé des vacances en camping, ou un petit voyage, ou rien du tout. Au lycée elle était appréciée mais préférait garder ses distances... Enfin, elle avait bien Claire, la geek avec qui elle mangeait le midi, Thomas, surnommé le cerveau,son binôme de chimie et Rachel, la fille la plus timide qui existait sur terre et qui ne parlait pratiquement qu'une demi-seconde par jour avant de rougir comme une tomate cerise, alias la fille avec qui elle traînait quand elle en avait envie. Bien entendu, c'était de son propre gré que Noémie avait choisie ce type de vie monotone. Elle ne voulait pas s'attacher à quelqu'un. Elle jouait la sûreté, alors elle choisissait la solution la plus simple : ne pas s'attacher !

Mais ici, au Texas, tout pouvait être différent ! Noémie pouvait être elle-même, sans jamais se soucier de trop attirer les regards et l'intérêt. Ce devait être pour cela qu'elle se sentait chez-elle.


Le pick-up se stoppa, dans un nuage de poussière, devant une grande maison en bois, typique du pays. Noémie sauta à terre et fut accueillie immédiatement par les aboiements joyeux d'une grosse boule de poils qui lui sautait autours.


Noémie- Salut mon vieux Fox !


Alors que le chien continuait de japper comme un fou, un noir, à la carrure imposante et revêtu du parfait équipement de cowboy,s'approcha d'elle en plissant les yeux.


... -Mon Dieu ! Mais qu'a-t-on fait de la p'tite Maggie de 10 ans ?Où sont ses p'tites tresses ? Et son p'tit sourire de gosse ?


Noémie- J'avais douze ans vieux schnock ! Et puis j'crois bien qu'j'ai grandis !


Le noir sourit devant son imitation et l'enlaça.


Noémie- Doucement Tyson... Je voudrais pas mourir dès le premier jour,surtout parce que mes poumons auraient été écrasés, pire qu'Hazel Grace !


Tyson- C'est qui Hazel Grace ? Une gonzesse maigrichonne qui fait d'l'a pub pour le shampoing ?


Noémie- Ah ah non ! Mais tu pigerais rien... Oh salut Fred !


Ce dernier lui claqua deux bisous à la française avant de la prendre dans ses bras en lui frappant l'épaule. C'était sa manière à lui de lui montrer qu'elle lui avait manqué.


Maggie- Noémie ! Tu ferais bien de monter des valises et de t'installer ! Tu nous rejoins sur la terrasse pour dîner après.


La jeune fille s'exécuta et deux minutes plus tard elle déposa lourdement son sac militaire sur son lit et laissa tomber sa grosse valise à ses pieds. Elle jeta un regard circulaire dans sa chambre,qui n'avait pas changé depuis sa dernière venue. Elle aimait ces douces façades en bois clair, cette armoire couleur acacia, ce lit en chêne recouvert de sa belle couverture prune et la banquette sous la fenêtre envahie de coussins multicolores où elle adorait se nicher pour lire et dessiner. Le sourire aux lèvre elle s'allongea sur le tapis gris tout doux.

Les bras derrière la tête, elle fixa le plafond en bois. On pouvait entendre les bruits de dehors. Un rocking-chair grinçait, des couverts s'entrechoquaient, au loin un cheval hennissait. Pas un seul klaxon, pas une voiture, pas un cri, ni des injures... Juste le calme, la nature et des personnes chers qui préparaient un bon repas aux haricots rouges dont l'odeur commençait fortement à chatouiller les narines de Noémie.

Elle soupira d'aise, troqua son short, ses vans et son débardeur contre un jogging, un pull dont elle retroussa les manches et ses chaussons à l'effigie des Mignons puis elle descendit les escaliers et s'installa à table, sur la terrasse.


Tyson- Dis, tu m'prêtera tes chaussons No' ?


Noémie- Bah écoute... Je préférerais qu'ils restent en bon état...Mais si tu chausses du 37 et que tu en prend soin je veux bien !


Tyson- Mouais... J'mets du 42.. Mais bon ! Qui voudrais n'pas avoir des extraterrestres aux pieds quoi ?!


Noémie- Ce sont des Mignons Tyson ! Pas des martiens ! Faut vraiment que tu ailles au cinéma parfois... On ira ensemble cet été ! Promis !


Le palefrenier éclata de rire et acquiesça, heureux de retrouver la jeune fille.

Il se souvenait quand elle venait petite, au moins deux fois par ans, pour Noël et les vacances d'été. Elle était son rayon de soleil !

Lorsqu'il était arrivé au ranch, à pied, après avoir fait trois jours de bus, elle lui avait sauté dessus. Il devait avoir à peine vingt ans et une petite tornade, dont on ne voyait que les cheveux auburn, s'était accrochée à sa jambe et lui avait demandé « Est-ce que ça fait mal d'avoir la peau noire ? ». Complètement désorienté il avait secoué négativement la tête et la petite fille était repartie en courant voir Maggie qui s'approchait. « Tatie Maggie, lui avait-elle dit sur-excitée, moi aussi je veux avoir la peau noire,comme lui ! » et Tyson se souvient qu'elle était allée se rouler dans la boue avant de revenir lui dire « Tu as raison, ça fait même pas mal ! ».

Et là, cette petite enfant insouciante était devenue un belle jeune fille. Il allait de son devoir de veiller sur ce magnifique rayon de soleil, son rayon de soleil !


En parlant du soleil, il commençait à peine à revêtir son costume orangé, que sur la terrasse en bois, la lampe à huile éclairait un parfait dîner de famille et de belles retrouvailles. Mais pendant ce temps, un 4x4 bleu électrique, une petite jeep et un énorme van noir aux vitres teintées quittèrent Los Angeles pour traverser les États-Unis et atteindre, dans les temps, le ranch de Maggie. Si tout se passe bien pour eux, ils atteindront leur lieu de vacances le lendemain, vers six heures du soir, crevés mais avec une bonne surprise à la clef.


Les tribulations d'une carotte râpée [Terminée]Where stories live. Discover now