24 | Lutte mortelle

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– Nom de Zeus ! Il va le tuer ! S'exclama la reine, horrifiée. Dillios, faites quelque chose ! » Elle posa sa main sur celle de son ami, suppliante.

Héléna quant à elle, restait pétrifiée dans son siège, tout était de sa faute, et seulement de la sienne. Cette rivalité n'aurait jamais dût exister.

Tout fut remis en cause dans son cerveau. Et si les trois jeunes spartiates ne l'avaient jamais trouvée dans cette pauvre ruelle, si la reine ne l'avait jamais accueillie comme son propre enfant dans son temple, si elle n'avait jamais ressenti ne serait-ce qu'un peu de complicité envers ses trois guerriers ; rien, absolument rien de tout cela ne serait arrivé. La situation serait totalement différente, et sans doute cela aurait été mieux pour tout le monde.

– Je regrette ma reine, mais Aaron est roi. Je n'ai pas le pouvoir de l'arrêter. C'est à lui que revient ce choix. Répondit le guerrier, désolé.

La reine porta ses mains à sa bouche, elle n'arrivait pas à comprendre le comportement brutal de son fils. Auparavant, il n'aurait jamais été capable de faire cela surtout à l'un de ses guerriers. Qu'est-ce qui a bien pu le faire changer ? La reine régente portait attention à Héléna, qui elle aussi restait stoïque. La jeune fille, ayant entendu le moindre mot de Dillios, ne pouvait pas y croire. Ses lèvres sont entre-ouvertes, elle était horrifiée. Le public lui, se régalait du déversement de violence. Son roi n'est pas capable d'une telle cruauté, et encore moins envers son frère d'armes ! Elle pouvait apercevoir Jev dont le corps trésautait au rythme des poings  d'Aaron qui s'abattaient avec violence sur le visage de Jev qui semblait maintenant inconscient. Elle n'aurait jamais cru qu'Aaron pouvait avoir une face cachée, qui se révélait sanglante, et sans pitié. Cette facette de lui est nouvelle, et surtout, terrifiante.

Voyant que le corps de Jev ne réagissait désormais plus, son coeur martelait sa poitrine. C'était une vision d'horreur qui se présentait à elle. Le public acclamait le roi, tous étaient dans une folie incontrôlable face à une telle violence. Sont-ils idiots pour approuver et applaudir ce combat ?
Héléna n'en pouvait plus, les remords envahissaient son corps et son esprit : qu'avait-elle fait ?

Elle ferma les yeux, en priant pour que, lorsqu'elle les rouvrirait de nouveau, elle se retrouverait dans son lit, remerciant Zeus que tout ne soit qu'un mauvais rêve.
Mais, ce ne fût pas le cas. La violence des poings du roi se faisait toujours entendre, et c'était avec horreur que la réalité la frappa de nouveau.

– Tu ne peux que t'en prendre à toi-même. Murmura une voix penchée à son oreille.

Roxanne. Cette insupportable princesse perse qui avait malheureusement raison. Elle avait le don pour remuer le couteau dans la plaie, et elle n'en perdait jamais l'occasion pour. Cette immense culpabilité la rongeait de l'intérieur. Elle avait l'impression de se consumer à petit feu, au fur et à mesure que les lourds poings de son bien-aimé s'abattaient sur le doux visage de son confident. Les coups cessèrent, et Aaron se releva. Une vision insupportable à regarder se présenta à la jeune femme.

Le roi était maculé du sang de Jev, un rictus mauvais étirait ses lèvres. Déclaré vainqueur, le public toujours dans une folie sans limite, scandait le cri de l'armée spartiate. Elle entendit aussi les applaudissements de Roxanne, qui tapait frénétiquement dans ses mains.

« AHOU ! AHOU ! »

Héléna n'était plus présente psychiquement. Ses yeux fixés au centre de l'arène ne pouvaient se décoller de la scène qui s'imposait à elle. Les deux hommes qu'elle chérissait le plus au monde étaient en train de s'entre-tuer. Du moins, en ce moment, c'était son cher et tendre roi qui paraissait n'avoir pour seule volonté que de fracasser l'ami de la jeune femme, prouvant ainsi qu'il la méritait plus que lui.

Voyant le corps de Jev qui ne bougeait plus, Hélena se leva, geste qu'Aaron remarqua. Il planta son regard dénué d'humanité dans celui de celle qu'il aime. S'il n'était pas aussi loin, il aurait juré que les larmes d'Héléna perlaient sur ses joues. La jeune fille avait une envie insurmontable de faire irruption au milieu de cette scène de crime. Avec la distance, elle aurait pu jurer qu'Aaron avait tué Jev.

Aaron avait tué Jev.

Le regard qu'elle lança au guerrier dans l'arène était rempli d'incompréhension. Elle ne comprenait pas comment cela était possible. Aaron ne pouvait qu'être possédé. Cet homme qui avait frappé sans remords son meilleur ami n'était pas lui.

Helena fit quelques pas en direction du bord de l'estrade, elle voulait voir de plus près ce qui se déroulait, suppliant l'Olympe pour que ce ne soit qu'un mirage, une vulgaire illusion.

Aaron retira son casque spartiate, les yeux toujours plantés dans ceux d'Héléna, embués de larmes.

La reine se leva elle aussi de son siège, observant sa petite protégée se diriger vers les escaliers taillés dans la pierre de l'arène. Elle franchissait maladroitement chaque marche, ne quittant pas les guerriers du regard.

Aaron jeta violemment son casque au sol, faisant voler le sable aux alentours. Il regardait maintenant son âme soeur dangereusement. Lorsque le premier pied d'Héléna eut pénétré dans l'enceinte de combat, elle se mit à courir le plus rapidement possible en direction du corps inerte. Sa robe et ses cheveux volaient au vent tandis que les cris des spectateurs laissaient place aux interrogations. Elle n'avait rien à faire ici, au beau milieu d'une lutte.

Au bout de sa course, elle s'accroupit près de Jev, éraflant ses genoux frêles. Elle avait peur de le toucher, elle craignait de lui faire plus de mal encore, mais voulait tout de même le prendre dans ses bras et lui retirer toute sa douleur. Elle passa alors délicatement ses doigts sur son visage, tremblante de panique. Prise d'une pulsion, elle entreprit de prendre le visage de Jev entre ses mains, et de le secouer lentement. Il ne bougeait pas d'un poil, ne réagissait à aucun geste de la jeune femme.

– Non, non ... Murmura Héléna. Jev, je t'en supplie, pleura-t-elle, réveilles toi. Nom de Zeus, réveilles toi je t'en prie !

Ses larmes roulaient le long de ses joues pour terminer sur le torse musclé du spartiate inerte allongé étendu sur le sol.

Les spectateurs assis dans les tribunes ne pouvaient qu'observer la protégée de Gorgô, entourée du roi Aaron et de celui qu'on pouvait auparavant appelé son "frère", ainsi que poser des tas de questions à leurs voisins, tous aussi confus l'un que l'autre. Héléna se décida à jeter un regard ahuri à Aaron. Mais ce qu'elle vit dépassait largement l'entendement. Un sourire mesquin se dessinait à travers son visage, recouvert d'éclaboussures sanguines.

Comment ... ?

Elle ne trouvait pas les mots pour formuler ses pensées. Les mots n'étaient même pas assez forts pour exprimer tout les sentiments qui lui traversaient l'esprit. Elle voulu lui poser une question, n'importe laquelle, dans l'espoir qu'il justifie ses actes, mais sa mâchoire tremblante et sa gorge nouée le lui ont empêchée. Elle voulu alors tenter de déchiffrer son regard ; quelle était donc cette lueur qui brillait intensément dans ses yeux ?
On aurait dit ... de la fierté, et de la jouissance. Sans doute également de l'orgueil. Il était réellement heureux de la situation. Il profitait complètement de ce qui s'offrait à lui, juste sous son nez.

Soudain, Héléna comprit :

Aaron ne regrettait pas.

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Le Roi de SparteWhere stories live. Discover now