Prologue :

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        Le ciel était dégagé en cette nuit. Le manoir s'élevait au milieu des arbres, large demeure baroque. Tout était silencieux. Tout était calme. Rien ne présageait l'horreur de ce qui allait se passer. Le vent soufflait doucement à travers les branchages environnants, berçant de leurs légères mélodies les résidents endormis. La vision de cette grande demeure aux larges vitraux par lesquels le soleil joueur éclairait d'immenses pièces richement décorées, les parant de différents reflets lumineux le jour était paradisiaque. Ce décor était idyllique avec ses larges pans de fleurs, ses jardins finement sculptés, ses statues jouant au grès de quelques fontaines et ses recoins cachés à l'abri des regards entre des saules pleureurs et de magnifiques rosiers.

Oui, ce manoir était vraiment parfait sous les rayons du soleil comme sous ceux de sa sœur la lune. Sauf que cette nuit-là, rien n'aurait pu être parfait ni bon. La lune déserterait bientôt le royaume des astres, ne laissant derrière elle qu'un ciel lumineux d'étoiles fines sans concurrente pour ternir leurs éclats. Les étoiles auraient alors beau paraitre plus brillantes, la disparition de l'astre lunaire laisserait un profond vide qu'elles ne pourraient combler. En cette nuit la lune disparaitrait, le ciel en semblera alors terni durant quelques instants fatidiques. Les songes des Hommes ne seraient que plus profonds et peuplés d'étranges créatures favorisées par cette absence. Bien des choses pouvaient se passer en cette nuit où cet œil inquisiteur serait masqué. Œil qui d'ordinaire troublait le sommeil des hommes, protégeant ses enfants dans ses bras vaporeux, révélant la véritable nature des êtres vivants, accordant au monde la protection de son éclat d'argent.

Tout pouvait basculer.

Diane le savait. Elle avait été incapable de trouver le repos dans l'abime de l'inconscience. Elle ne l'aurait pas pu tout en sachant ce qui se tramait. Même malgré les bras solides de son fiancé qui l'entouraient. Même avec sa présence, même en sentant son souffle dans ses cheveux, en percevant les battements de son cœur et sa poitrine qui se soulevait sous ses mains, même avec tout cela, elle ne pouvait pas s'empêcher de frissonner. Frissonner de peur et d'appréhension.

Elle savait que même si la nuit paraissait calme, il ne fallait pas s'y fier. Le Paraitre était l'une des pires illusions. Cette nuit, ils l'invoqueraient. Elle l'avait vu dans un de ses rêves. Un des rêves prémonitoires que lui envoyait la Dame Argentée. Elle avait pu les y voir, contempler leur affreuse cérémonie et la créature qu'ils en feraient naitre. Et elle ne pouvait permettre cela d'arriver. C'était bien pour cela qu'Elle lui avait donné ce rêve. Diane devait empêcher l'avènement de ce monstre. Elle se redressa doucement, se mouvant à peine entre les bras de l'homme qui l'enlaçait et les draps. Son cœur se serra lorsqu'elle observa son visage. Les traits de son visage endormis étaient doux, tellement détendus par rapport à ses expressions journalières.

Diane secoua la tête. Ce n'était pas le moment de penser à tout cela. Ce n'était pas le moment de se perdre dans ses souvenirs. Elle ne devait plus penser à la façon dont il la regardait, dont il voulait la protéger envers et contre tout, à la manière dont il lui souriait, dont il prononçait son nom. Les larmes embuèrent ses yeux. Elle n'avait pas cessé de fixer son visage endormi. De ses paupières closes à ses lèvres, en passant par la timide cicatrice qui tranchait doucement sa lèvre supérieure. Elle se souvenait du jour où elle la lui avait infligé. Ses points se crispèrent avant qu'elle n'expire un bon coup. Elle n'avait plus de temps. Bientôt, les effets du faible somnifère qu'elle lui avait donné s'estomperaient. Elle devait l'endormir profondément avant. Se cramponnant à ses dernières résolutions, elle leva sa main, survolant doucement visage aimé pour poser sa paume sur ses paupières. Il gigota sous son contact mais avant qu'il n'ait pu le percevoir, elle récita la formule dans un murmure. Une fine lumière dorée se balança au bout de ses doigts avant de tomber en un scintillement sur les yeux fermés de son amant.

Malédiction de sang (en suspens)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant