Chapitre VIII

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Nous marchions main dans la main dans les rues étroites du village, seules quelques lumières faiblardes éclairais les ruelles. Il faisait froid et l'ambiance maussade ne me rassurait guère. Je restais près d'Isaac un peu inquiète de ce qui nous entourait. Visiblement, le village était bien plus pauvre qu'il n'en donnait l'air, les rues puaient les vieux fruits de mer et les excréments. Au sol, quelques hommes complètement abrutis par l'alcool dormait ou bien bafouillait des paroles ingrates, plus loin, une vieille femme tremblante demandait l'aumône.

Après avoir traversé plusieurs lieux, une enseigne peinte en blanche sur un épais morceau de bois pendait, bercé par le vent. Il s'agissait d'une taverne. L'ambiance à l'intérieur se faisait entendre par des chants d'hommes certainement déjà bien éméchés. Je ne voulais pas aller plus loin et voir davantage de misère, je ne pourrais pas le supporter plus longtemps sans rien faire.  J'avais donc convaincu Isaac d'entrée dans le petit endroit.

Quelques tables de bois étaient disposées afin d'habiter l'espace, entouré par quelques bancs. Trois d'entre elles étaient occupées par des groupes d'hommes, tous ayant une large carrure, certains étaient musclés tandis que d'autres étaient justes gras. Ils buvaient goulûment leurs pintes en riant si fort qu'ils auraient pu réveiller le village entier. Quelques filles de joie réchauffaient les genoux des plus riches. Dans un coin, la grande cheminée rôtissait un porc apportant une odeur plus agréable que celle des arsouilles complètement imbibés. Discrètement, avec Isaac nous slalomions entre les tables afin de rejoindre l'épais comptoir. Nous nous asseyons sur les hauts tabourets puis un vieil homme s'approchait de nous deux énormes chopes à la main.

- Deux sous. Demandait-il en posant sèchement les peintes sur la table.

Isaac s'exécuta et donna l'argent à l'homme qui s'éloignait en rangeant la monnaie dans une pochette en cuir qu'il glissait sous le comptoir. Je regardais l'imposant verre devant moi, visiblement il n'y avait pas le choix, c'était la boisson universelle ici. Jamais je ne pourrais boire une telle quantité, pensais-je en essayant de voir le fond qui semblait si loin.

L'alcool coulait à flots pour les hommes autour de nous laissant le ton monter petit à petit. L'atmosphère se réchauffait au fil du temps.

- Allons trinquons au mariage du gamin ! Lâchait bourumant un homme en choquant durement sa choppe avec celle de ses amis.

L'homme continuait son discours au sujet du mariage en grimpant debout sur la table malgré les interdictions du propriétaire qui avait fini par abandonner. Le poids de l'homme faisait crisser le bois sous ses pieds.

- Le p'tit a d'bon gout, une exotique, j'ai entendu dire qu'elles étaient bien bonnes au lit ! S'esclaffait l'homme en avalant une énorme gorgée bière en laissant même couler sur ses vêtements. 

Si un soldat du roi entendait cela l'homme serait certainement punie, mais nous n'en avions croisé aucuns sur le chemin, s'en doute le savait-il.

- 'Fin donc, j'ai entendu dire que l'prince qu'a épousé la clocharde était invité aux noces. Il ose sortir un t'elle gueuse d'son troue . On m'a dit qu'on pouvait compter ses dents su'les doigts d'une main ! Lâchait-il accompagné d'un rire grossier. 

Je serrais ma main autour de la hanse de la choppe laissant les jointures de mes doigts devenir blanche. Parlait-il de moi ? C'était certain, il n'y avait qu'un prince qui s'était marié avec une femme de sang non royal.

Isaac - Qui t'as dit cela ? Demandait Isaac en se relevant soudainement de son siège pour s'approcher de l'homme qui même debout sur une table était à peine plus grand que le prince.

- Allons gamin ne t'emmêle pas des histoires de grands, va donc te coucher avant qu'ta mère te cherche. Lançait  l'homme définitivement incorrigible. Elle doit être bien bonne au lit pour qu'un gars d'ce milieu accepte de s'marier à une telle godiche. Repris l'homme ignorant Isaac.

Il n'en fallut pas plus pour qu'Isaac se jette au coup de l'homme et le couche sur la table ne manquant pas de renverser le reste de bière sur les hommes autour. Les gros bras s'étaient redressés prêts à défendre leur ami.

Isaac - Tu ne sais même pas de quoi tu parles vieil ivrogne. N'as-tu pas une femme ou même une famille qui t'attend chez toi pendant que tu te vante d'être un imbécile dans se rade ? Crachait Isaac toujours sa main autour de la gorge du bougre.

Kinsley - Ça suffit calme toi ! Dis-je en me dépêche d'attraper le bras d'Isaac afin de l'éloigner, mais il ne bougeait pas. S'il te plaît ... Ne faisons pas de vagues ici, je ne suis déjà pas la bienvenue, ne créons pas plus de drames. Suppliais-je.

Isaac - Cet homme devrait être puni pour ses paroles. Dit alors Isaac n'essayant même pas de se calmer.

Kinsley - Le bougre est certainement complètement ivre, il ne sait même plus ce qu'il dit. Continuai-je désespéré à l'idée de pouvoir mettre un terme à ce début de bagarre. Allez ... On y va.

Après lui avoir lancé un regard foudroyant, Isaac lâchait l'homme qui lui inspirait un grand coup afin de reprendre son souffle encore coupé. C'est avec soulagement que j'attrapais la main de mon mari en direction de la sortie des lieux.

- C'est ça ! Sort de là et ne reviens jamais s'tu veut pas que j'te tue ! Aboyait l'homme toujours assis sur la table la main autour de la gorge afin d'atténuer la douleur.

Nous reprenions le chemin en direction du château afin d'aller nous coucher après cette soirée éprouvante.

Je n'avais jamais vu Isaac si froid auparavant, je me demandais bien ce qu'il aurait pu se passer si je n'étais pas intervenue mais je préférais ne pas le savoir et regrettais presque amèrement d'avoir quitté le milieu de la royauté pour la première fois de ma vie.

Des ténèbres à la lumière T.2Where stories live. Discover now