5 - Journée d'orientation

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Bip bip. Bip bip.

Un son inhabituel parvint aux oreilles de Maddie et la fit sursauter. Elle plissa les yeux, ses longs cils battant sur ses prunelles vertes, et contempla le plafond.

Maculé de tâches, sûrement d'humidité, il ne ressemblait en rien à celui de sa chambre. Maddie ressentit un sentiment troublant de désorientation. Elle s'appuya sur ses avant-bras et mit quelques instants à rassembler ses idées et à se souvenir où elle se trouvait.

Felice. Elle était à Felice.

Le rêve qu'elle avait poursuivi depuis tant d'années s'était concrétisé. Elle avait réussi, elle était dans cette université renommée. Elle prit conscience du chemin parcouru et, déterminée, elle secoua la tête. Fini le cafard, elle avait la ferme intention de profiter de tous les instants.

Elle posa ses mains sur son ventre qui fourmilla d'excitation. Elle était d'attaque pour débuter cette belle aventure. Elle s'assit sur le bord de son lit et attacha ses longs cheveux bruns en queue de cheval. Elle se leva, son beau visage reposé, et pouffa en découvrant sa coloc.

En sous-vêtements, Élise dormait la bouche grande ouverte, le drap enroulé autour de ses jambes et la tête dans le vide.

Le bruit résonna à nouveau. Élise commença à sortir du sommeil, s'agitant avec des grognements. Elle ouvrit lentement un œil, attrapa son téléphone et arrêta la sonnerie de son réveil. 

— Courte nuit ? demanda gentiment Maddie.

— Mmm, fit Élise en hochant la tête.

Elle bailla et étira ses membres fins. Le sourire qui ne la quittait pas la veille naquit de nouveau sur son visage.

— Oh que j'aime cet endroit ! s'écria-t-elle en sautant immédiatement sur ses deux pieds, se tenant debout. Allez ! Un programme chargé nous attend !

Les deux filles se préparèrent et quittèrent leur chambre. Un sourire béat aux lèvres, Élise était encore plus enthousiaste que la veille. Cette journée d'orientation s'annonçait riche en informations pour les étudiants de première année.

Plan du campus en main, elles s'éloignèrent de Reggio Hall. Elles furent impressionnées en découvrant la cafétéria de l'université. Spacieuse et lumineuse, elle était bâtie sur trois étages et entourée de larges baies vitrées.

Leurs plateaux en mains, Maddie et Élise se faufilèrent et s'installèrent sur une banquette d'angle. Le tintement énergique des couverts et le bourdonnement des conversations résonnaient autour d'elles.

Le ventre plein et sous un ciel clair et dégagé, elles foulèrent les allées fleuries du campus. Il était à peine neuf heures quand elles rejoignirent les nouveaux étudiants fébriles et bruyants qui avaient envahi l'immense pelouse et se massaient devant le majestueux bâtiment principal.

Le souffle coupé, Maddie leva les yeux vers les grandioses colonnes qui encadraient l'entrée en haut desquelles étaient juchés deux lions en marbre. La frise en façade arborait fièrement la devise de l'université « La félicité mène au succès ».

Maddie observa le décor avec admiration. Elle pénétra sous la voûte du grand hall, Élise sur ses talons. Elles parcoururent la cour pavée avant d'emprunter un escalier en pierre. Au milieu de la foule, elles traversèrent un long couloir et atteignirent son extrémité.

En entrant dans l'amphithéâtre, Maddie se crispa et son sourire s'effaça. En dépit du soleil qui entrait à flots par les hautes fenêtres, elle sentit un frisson courir le long de sa colonne vertébrale. Elle venait de reconnaitre un visage familier : celui de Sally Smith, ancienne camarade de classe et capitaine de cheerleading au lycée. Celle qui lui avait fait subir humiliations et mauvais coups pendant de longs mois. Maddie avait passé une année de terminale difficile par sa faute et la fin de l'année scolaire était arrivée avec soulagement pour la jeune fille.

Élise remarqua le brusque changement d'attitude de sa colocataire et regarda dans la même direction. Son regard se posa sur une fille à la chevelure blonde et au visage de poupée, assise au deuxième rang.

— Elle est magnifique ! commenta Élise dans un murmure, tu la connais ?

— Malheureusement oui ! marmonna Maddie entre ses dents.

Élise fronça les sourcils.

— Comment ça ?

Maddie haussa les épaules avec toute la nonchalance dont elle était capable.

— Une vieille connaissance, répondit-elle avant de presser le pas.

Elle gagna le haut des gradins et se tassa dans son siège. Malgré la distance qui les séparait, Maddie ne pouvait décrocher son regard de Sally. Celle-ci semblait discuter joyeusement avec sa voisine.

La retrouver à Felice n'était pas une surprise et Maddie avait appréhendé ce moment, craignant d'avoir toujours de la rancœur. Bien que les vacances d'été lui aient permis de prendre de la distance par rapport à ce qu'elle avait vécu, Maddie avait à cet instant la confirmation que le temps ne faisait rien à l'affaire. Elle ne pardonnait et ne digérait pas ce que Sally lui avait fait endurer.

Après avoir accueilli Maddie avec une gentillesse feinte au sein des Venus, son équipe de cheerleading, Sally en avait fait son souffre-douleur. Elle l'avait progressivement mise à l'écart et exclue du groupe. Par sa faute, Maddie était passée du statut de lycéenne invisible sans histoire à réelle paria. La seule satisfaction de Maddie avait été que le vrai visage de la capitaine soit découvert avant qu'elles ne quittent le lycée.

Dans un brouhaha de rires et de voix et un amphi plein à craquer, un quinquagénaire aux cheveux grisonnants entra. Il s'approcha du pupitre en bois verni placé au centre du podium.

Le silence se fit comme par enchantement lorsqu'il tapota le micro en regardant son auditoire.

— Je suis M. Simmons, président de Felice, et je suis ravi de vous accueillir dans notre belle université. Je vous souhaite la bienvenue ! Cette semaine vous est réservés, chers nouveaux étudiants ! Nous allons tout faire pour vous faire sentir chez vous et pour que vous trouviez vos repères. En ce premier jour, tous les départements vont présenter leurs différents cours et filières. Vous assisterez à différentes interventions importantes, soyez bien attentifs !

Maddie pianota rapidement un texto à Anthony avant de mettre son téléphone en silencieux et de le glisser dans son sac. Elle écouta avec la plus grande concentration l'exposé du dénommé Simmons.

Son discours achevé, les doyens des facultés se succédèrent. À Felice, de nombreuses disciplines étaient représentées : journalisme, droit, finance, psychologie, médecine, physique, architecture, éducation ainsi que littérature et cinéma.

Lors de la pause méridienne, après un passage dans la cafétéria, le flot d'élèves se déversa sur les pelouses vertes et s'y éparpilla, profitant du soleil. Elise et Maddie s'installèrent sous l'ombrage d'un majestueux érable.

— On reçoit un paquet d'informations aujourd'hui ! s'exclama Elise, couchée à plat ventre, menton appuyé sur la paume de ses mains.

Affalée dans l'herbe, Maddie plaça un bras en travers de son visage pour se protéger de la forte luminosité.

— Je ne te le fais pas dire !

Elles furent rejointes par Kristen et Meredith et discutèrent joyeusement. Maddie découvrit deux filles précieuses mais ouvertes. Elles ne relevèrent pas le fait que Maddie venait d'un milieu social radicalement différent et n'avait pas la même aisance financière qu'elles mais s'attardèrent sur son choix de filière. La psychologie ? S'occuper des fous et des couples en crise, quelle idée !


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