Campus

35 - Mauvaise découverte

Maddie était heureuse : elle passait tout l'après-midi avec Anthony. Deux semaines avaient passé depuis Thanksgiving et Maddie se languissait de retrouver son petit ami. Ils se rejoignirent loin de Felice, loin de Stanfild, dans une ville qu'ils ne connaissaient pas, pour le plaisir de la découvrir ensemble, que tous les deux.

Ils s'y promenèrent un moment, puis se rendirent au cinéma. Maddie ne vit quasiment rien du film car le couple préféra s'enlacer et s'embrasser longuement pendant toute la séance. En sortant de la salle de projection, ils décidèrent d'aller s'asseoir dans un café.

Installés contre la grande baie vitrée, ils discutèrent de tout et de rien, Maddie évitant savamment le sujet qui fâche : celui de la fraternité d'Anthony. Elle ne voulait pas risquer que l'atmosphère change, que ce bon moment qu'ils étaient en train de partager tourne au vinaigre à cause des Alpha Delta. Pas de dispute, pensa Maddie. Surtout pas. Ils parlèrent un moment de Sally, de sa situation, Anthony assénant que l'univers s'était tout simplement retourné contre elle.

Pendant ce temps, à Reggio Hall, Élise était affalée sur son lit, le nez collé à l'écran de son ordinateur. Ses amies avaient beau lui répéter qu'elle se bousillait les yeux ainsi, elle n'arrivait pas à perdre cette mauvaise habitude. Elle avait un travail à faire pour le journal et avait bien l'intention de le terminer au plus vite. Se coltiner des photos des soirées Halloween de tous les groupes, ce n'était pas franchement ce qu'elle préférait faire, mais c'était le sujet de son article donc elle s'y pliait de bonne grâce.

Elle surfait dans les albums photos, faisant défiler les photos les unes après les autres, passant du site d'une sororité à celui d'une fraternité quand, soudain, elle se figea. Elle étudia l'image : elle connaissait ce garçon-là, elle en était certaine. Le souffle coupé, Élise cliqua sur l'image. C'était Anthony. Le petit copain de Maddie. Aucun doute là-dessus.

La porte s'ouvrit d'un coup, la faisant sursauter. Une Maddie rayonnante fit irruption dans la pièce. Instinctivement, Élise claqua le clapet de son ordinateur et afficha un sourire forcé.

— Hey, mais qui voilà ! Tu as l'air sacrément heureuse, dis donc !

Le sourire de Maddie s'élargit.

— Ça m'a fait tellement de bien de retrouver Anthony. Ça faisait si longtemps qu'on n'avait pas passé un bon moment que tous les deux.

Maddie enleva son manteau et se débarrassa de ses chaussures tout en racontant sa journée avec Anthony. Elle s'installa sur le lit à côté de son amie et soupira de bonheur.

— Je suis contente pour toi, dit Élise dans un sourire.

Maddie fronça les sourcils en la fixant.

— Qu'est-ce qui se passe ?

Élise ne cacha pas son étonnement.

— Rien. Pourquoi ?

Maddie fit la moue.

— Élise, je commence à te connaître, ça se voit sur ton visage que quelque chose cloche.

Élise se mit à grimacer.

— Mon visage est tout à fait normal, je ne vois pas de quoi tu parles !

Maddie rit.

— Non, mais sérieusement !

Élise hésita.

— Tu vois qu'il y a quelque chose, insista Maddie.

Élise se laissa tomber à la renverse sur le lit et enfouit son visage dans ses mains.

— Je ne veux pas en parler.

Maddie se jeta sur elle et l'obligea à la regarder.

— Tu m'inquiètes, là.

Élise soupira en détournant les yeux.

— Je ne sais pas si c'est une bonne idée...

— Je t'en supplie, accouche.

Élise se redressa et jeta un œil vers son ordinateur. Maddie ne la lâchait pas du regard.

— Je suis tombée sur une photo.

— Et ?

Élise se mordilla les lèvres, puis ouvrit son ordinateur.

Maddie posa les yeux sur la page qui s'affichait en plein écran. Le nom de la fraternité des Alpha Delta de Stanfild apparaissait en gras et des photos de leur soirée d'Halloween étaient publiées. Maddie les balaya des yeux et s'arrêta sur l'une d'elle. Le cœur de Maddie rata un battement. Elle s'approcha lentement de l'écran, comme pour s'assurer qu'elle ne rêvait pas et que celui qu'elle voyait était bien celui à qui elle pensait.

Anthony. Son petit copain. Déguisé en zombie, le visage maquillé de blanc, les yeux cernés de noir et la bouche entourée de rouge, mais totalement reconnaissable. Ses lèvres étaient plaquées contre celles d'une jeune fille brune vêtue d'une robe noire en cuir.

Comment était-ce possible ? Comment avait-il pu embrasser cette fille et agir de façon si aimante et attentionnée avec Maddie tout l'après-midi ? Comment Anthony avait-il pu agir ainsi ?

La colère l'envahit, puis la peine et la détresse. Elle avait envie de vomir. Elle avait envie de hurler. Ce garçon, ce n'était pas celui qu'elle aimait. Ce n'était pas le Anthony dont elle était tombée amoureuse. Depuis son entrée dans cette fraternité, il s'était mis à changer, mais jamais Maddie n'aurait pu imaginer qu'il puisse se mettre à lui mentir de la sorte. À la tromper.

Les mains tremblantes, elle saisit son portable.

— Qu'est-ce que tu fais ? demanda Élise d'une petite voix.

Maddie ne lui répondit pas. Elle se leva, gagna son lit et s'y allongea sur le dos, les yeux fixés au plafond.

— Maddie, tu me fais peur. Dis quelque chose, s'il-te-plait.

Maddie resta silencieuse, son portable fermement serré entre ses doigts. Elle inspira lentement, comme pour refouler ses pleurs, avant de se mettre à pianoter sur l'écran de son téléphone.

« C'est fini entre nous. », écrivit-elle.

Puis elle envoya le texto et éteignit son téléphone. Ses mains tremblaient fort quand elle jeta son téléphone sur le sol, le bruit de l'écran éclatant sous le choc résonnant dans le silence.

Élise s'approcha d'elle et la serra dans ses bras.

— Je suis désolée.

Maddie ne parlait toujours pas. Elle employait toutes ses forces à s'empêcher d'éclater en sanglots. En vain. Elle se mit à pleurer à chaudes larmes, collée contre son amie.