Campus

47 - Validé

Le calme régnait dans la salle de rédaction. C'était suffisamment rare pour être souligné. D'ordinaire la pièce avait des allures de fourmilière. Aujourd'hui, dans l'espace consacré aux photographes et aux graphistes, quelques étudiants travaillaient silencieusement et de l'autre côté de la pièce, seuls Josh et Élise étaient présents, assis l'un en face de l'autre devant une petite table calée contre un mur.

Cela faisait plusieurs minutes que Josh avait le nez plongé dans l'article d'Élise qui patientait nerveusement, le regard perdu par-delà les fenêtres. Elle stressait, mais s'efforçait de ne pas le montrer. Elle s'étonnait de ressentir cette excitation, cet article ne devrait être qu'un parmi tant d'autres, pourtant c'était la première fois qu'elle était aussi fière de sa production et qu'elle avait été aussi déçue par la réaction d'une lectrice, en l'occurrence Maddie. Elle attendait donc avec impatience et fébrilité l'avis de son rédacteur en chef.

Josh leva les yeux à la fin de sa lecture, la mine sérieuse.

— C'est excellent.

Élise haussa les sourcils, surprise.

— Vraiment ?

Un large sourire s'épanouit sur le visage de Josh.

— Oui, ton article est prenant. Dynamique. On a l'impression d'assister à la pièce de théâtre en même temps que toi, de ressentir tes émotions.

— Vraiment ? répéta Élise, incrédule.

Josh se pencha vers elle en la regardant droit dans les yeux.

— Oui, vraiment. Je suis quelqu'un d'honnête et de franc, tu as dû le remarquer maintenant. Je ne te complimenterai pas si je ne le pensais pas.

Élise acquiesça timidement.

— Pas besoin que Lorena donne son accord pour cet article, alors ?

Josh fronça les sourcils.

— Pourquoi Lorena devrait-elle donner spécifiquement son accord pour cet article ?

Élise haussa les épaules.

— Bah, si ce que je dis sur Sally peut déplaire, c'est elle qui doit trancher, non ? C'est elle qui donne un avis final.

Josh posa la feuille à plat devant lui et entrelaça ses doigts.

— Tu ne parles pas de Sally, tu parles, entre autre, de sa prestation sur scène. Tu as le droit de porter un avis sur une prestation scénique à ce que je sache. Tu n'es ni dans la l'attaque ni dans le dénigrement, donc il n'y a pas à polémiquer.

Un silence tomba.

— Je ne comprends pas, avoua Josh. Pourquoi tu penses ça ? Tu n'es pas convaincue de ce que tu as écrit.

— Si ! Bien-sûr que si ! répondit vivement Élise. C'est juste que c'est la première fois que je fais une critique négative et mon but n'est pas de blesser.

Josh se pencha encore plus vers elle et posa sa main sur son bras.

— Je te le répète, tu as le droit de porter un avis. La vie serait bien ennuyante si tout le monde aimait toujours tout, non ? Toi, tu as vu la pièce en entier et tu justifies ce que tu n'as pas aimé, tu argumentes. Donc je ne vois pas où est le souci.

Élise esquissa un sourire.

— D'accord, dit-elle doucement.

Josh se radossa à sa chaise et se mit à ranger les documents posés devant lui.

— Ton article sera dans le prochain numéro du journal et également sur le blog.

Élise se leva, rassurée, et remercia Josh avant de quitter la salle de rédaction. Cependant, en son for intérieur, elle était perturbée. Pourquoi Maddie avait-elle réagi ainsi en lisant son article ? Finalement, en écoutant Josh, elle n'avait rien à se reprocher. Elle avait correctement fait son travail de journaliste. Une discussion s'imposait entre les deux colocataires.

Quand Élise et Maddie se retrouvèrent dans leur chambre, il était évident qu'une tension s'était installée entre elles. Élise travaillait sur son bureau quand Maddie rentra de son travail à la bibliothèque. Elles se saluèrent mais n'échangèrent pas un mot. Au bout d'un moment, Élise jeta quelques coups d'œil vers Maddie. Puis, d'un coup, elle se tourna vers elle.

— Bon, crevons l'abcès. Je déteste ce genre d'ambiance.

Maddie s'immobilisa.

— Tu as raison. Moi aussi, je n'aime pas ça.

Élise resta assise et regarda son amie.

— Pour ton info, Josh a adoré mon article.

— Super, répondit Maddie.

Élise arqua un sourcil.

— Tu es ironique ?

— Pas du tout !

Maddie soupira et s'assit sur son lit.

— Je suis désolée pour ce matin. J'ai passé la journée à me demander pourquoi j'ai réagi comme ça.

— J'ai cru comprendre que tu ne voulais pas que Sally soit blessée.

— Franchement, loin de moi l'envie de la défendre. Surtout vu ce qu'elle m'a fait subir ! Mais je ne sais pas... Je trouve ça plus difficile maintenant...

Élise fit glisser sa chaise pour s'approcher de Maddie.

— Tu trouves quoi plus difficile ?

— Le fait qu'elle puisse être blessée, qu'elle puisse être triste.

— Pourquoi ?

Maddie haussa les épaules.

— Parce qu'elle est en fauteuil roulant ? avança Élise.

Après un silence, Maddie murmura.

— Je crois que oui. C'est toujours Sally mais en même temps ce n'est plus la Sally d'avant.

Élise sourit.

— Tu es trop bonne !

Maddie lui rendit son sourire.

— Ça me perdra, c'est ça ?

— Je n'en sais rien.

Élise se leva et traversa la chambre.

— Allez, viens là !

Elle attrapa les mains de Maddie et la tira vers elle pour la serrer dans ses bras.

— Tu m'étouffes, lâcha Maddie, une fois plaquée contre son amie.

— Tant mieux ! Comme ça tu ne diras plus de bêtises.

Les deux amies se mirent à rire. Toute la tension s'était évaporée.