66 - Des papillons dans le ventre

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Sally se rendit à son rendez-vous habituel à l'hôpital. Elle vit d'abord le médecin, puis un nouveau kiné et retrouva enfin Anita.

Sally attendait ses séances avec impatience, appréciant particulièrement leurs discussions. Elle se sentait toujours mieux après l'avoir vue.

En accueillant Sally, Anita nota tout de suite l'expression radieuse qui animait son visage.

— Tu es bien souriante, lança-t-elle.

Le sourire de Sally s'élargit.

— Je suis plutôt heureuse en ce moment, répondit-elle avec un plaisir non dissimulé.

Anita tira une chaise et s'assit à côté du fauteuil de Sally.

— Bien. Est-ce que j'ai le droit de savoir ce qui se passe ?

Sally ne répondit pas de suite, comme si elle voulait laisser planer le doute, sans toutefois se départir de son sourire.

— Ne fais pas durer le suspense, la pria Anita. C'est cruel pour mon vieux cœur !

Sur quoi, elle plaqua sa main sur sa poitrine et bascula la tête en arrière. Sally se mit à rire.

— Tu m'avais caché que tu es une bonne tragédienne !

— Tu viens de voir l'étendue de mes capacités, murmura Anita d'un ton las qui les fit rire toutes les deux.

Anita ne se laissa pas distraire et redemanda à Sally ce qui la rendait si joyeuse.

Sally raconta son stage et les quelques jours qui venaient de s'écouler depuis la reprise des cours, en évoquant la proposition de Leila en dernier.

Anita se mit alors à siffler d'admiration et à applaudir.

— Waouh, Sally ! Bravo !

Quelques patients présents également dans la salle se tournèrent dans leur direction et les observèrent, intrigués, un léger sourire aux lèvres.

En sentant leurs regards, Sally se dit qu'ils devaient imaginer qu'elle venait de réussir un exploit. Non, Sally n'avait pas surmonté l'impossible, elle ne marchait pas encore de nouveau.

— Je ne savais pas que tu écrivais !

— C'est normal, répondit Sally, désormais habituée à cette remarque. C'est récent.

Après Leila, c'était Elizabeth qui s'était étonnée en découvrant la nouvelle activité de Sally.

— Vous avez commencé à travailler sur une pièce de ton crue, alors ? s'intéressa Anita.

— Oui.

— Bah, dis-m'en plus ! réclama Anita avec un faux air boudeur.

Sally fit mine de se coudre les lèvres.

— Motus et bouche cousue. Tu auras la surprise au spectacle.

Anita esquissa un sourire.

— Je suis donc conviée ?

— Évidemment !

— Je vais recevoir une petite invitation cartonnée ?

Sally lui offrit un grand sourire.

— Si ça te fait plaisir, je te la fabriquerai.

Anita tapa des mains.

— OK. C'est validé ! Je l'attends de pied ferme, alors.

Anita et Sally échangèrent un sourire, avant qu'Anita se lève de sa chaise.

— Au boulot ! lança-t-elle, avant d'ajouter : Tu vois, je n'avais pas tort en te disant qu'on ne sait pas de quoi demain est fait et qu'il aurait été dommage que tu abandonnes le théâtre...

— Tu avais même totalement raison, admit Sally. Et je découvre une autre facette du théâtre. En écrivant, je peux tout m'autoriser, je peux incarner encore plus de personnages que sur scène : je peux être tout le monde, d'un jeune enfant à un vieillard, d'une reine à une fée, d'un soldat à un médecin ! Je peux vivre une multitude de vies.

— En appréciant la tienne ?

Sally opina, c'était tout à fait ce qu'elle ressentait.

À la fin de la séance, Sally et Anita se dirent au revoir avec chaleur. Sally sortit de la salle, parcourut le couloir pour gagner l'ascenseur. Elle pressa le bouton et patienta, absorbée par ses pensées.

Lorsque les portes coulissèrent dans un tintement, Sally découvrit une tête bien connue dans la cabine.

— Nate ?!

Un large sourire s'épanouit sur le visage du jeune homme.

— Sally ! Tu vas bien ?

Elle opina en pénétrant dans la cabine. En appuyant sur la touche 0 pour le rez-de-chaussée, elle remarqua qu'elle était déjà allumée.

— Je descends aussi, l'informa Nate avec un sourire.

— Qu'est-ce que tu fais là ? questionna Sally. Tout va bien ?

Devant son ton teinté d'inquiétude, Nate la rassura :

— Je donne un coup de main de temps en temps.

Il expliqua à Sally que sa mère travaillait dans cet hôpital et qu'il y était bénévole depuis quelques mois.

— Mais tu es bénévole partout ! plaisanta Sally.

— Partout, non, rectifia-t-il en souriant. J'aimerais bien ! Je fais le maximum pendant mon temps libre.

— C'est ton hobby, en fait.

— On peut dire ça.

— Pas les jeux vidéos ? le taquina Sally.

Sur un ton de confidence, il murmura :

— C'est grave si je déteste ça ?

— Très, répondit Sally sur le même ton. Un garçon, ça aime les jeux vidéos.

Ils se mirent tous les deux à rire.

— Comment se passe tes séances ? embraya ensuite Nate.

C'était quelque chose que Sally appréciait particulièrement chez Nate : il était à l'aise pour lui parler de son handicap. Il ne se faisait pas de nœud au cerveau, contrairement à la plupart des gens, avant de lui poser une question. Il était direct tout en étant respectueux.

— Très bien, répondit-elle.

— Le staff est bon ici, dit Nate.

— Notamment les bénévoles, hein ? fit-elle avec un clin d'œil.

— Les meilleurs du monde.

Sally pouffa.

— Tu rentres à Felice ? demanda Nate.

Sally acquiesça.

— Tu es pressée ?

Elle fit non de la tête.

— On va se boire un café ?

Elle opina si vigoureusement du chef qu'elle en eut mal au cou. Honnêtement, c'était le dernier de ses soucis.



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