Campus

64 - Ex mais pas que

Sally avait laissé le texto d'Ashton sans réponse. Au bout de plusieurs jours, elle s'était mise à y penser de plus en plus fréquemment. Elle l'avait relu une fois. Puis une autre. Elle avait hésité, dressé mentalement une liste de pour et de contre avant de faire son choix.

Elle allait appeler Ashton. Sally avait toujours été quelqu'un qui prenait les devants et cet aspect de sa personnalité, elle ne voulait surtout pas le changer.

Elle saisit donc son téléphone, prit son courage à deux mains et contacta Ashton. Il répondit dès la première sonnerie et sembla très surpris d'entendre la voix de son ex petite amie. Ils échangèrent quelques mots et convinrent de se voir à Felice.

Dès le lendemain, Ashton se rendit sur le campus. Sally l'attendait à l'extérieur, prévoyant de se promener avec lui. Elle aurait pu choisir de lui proposer qu'ils aillent boire un café mais la perspective de se retrouver assis, statiques, face à face l'effrayait.

Elle avait beau tenter de se convaincre qu'elle était toujours aussi forte qu'avant, ce n'était plus le cas. Elle était surtout devenue plus sensible et cela avait commencé avant son accident, après sa rupture.

Ashton se gara sur le parking du dortoir Provincia Hall, sortit de sa voiture et après avoir balayé du regard autour de lui, il pianota sur son téléphone.

Sally était un peu loin et en apercevant Ashton, elle sentit son cœur se serrer. Elle l'avait tant aimé, l'aimait-elle d'ailleurs toujours ?

Ashton leva la tête et après une brève hésitation, il sourit à Sally. Bien qu'il savait qu'elle était en fauteuil roulant, il lui avait fallu quelques secondes pour prendre conscience que la jeune fille qui se trouvait à quelques mètres était bien elle.

Les premiers instants de retrouvailles furent teintés d'embarras. Ashton se pencha et les deux ex se prirent brièvement dans les bras. Puis Sally s'empressa de proposer d'avancer. Ashton accepta de suite.

— Je suis heureux qu'on se voit.

Sally lui adressa un petit sourire.

— Moi aussi.

— Comment tu vas ? demanda-t-il.

— Bien. Vraiment bien.

Ashton la fixa un moment. Sally éclata de rire.

— Cette tronche que tu fais ! Eh Ash, c'est moi, hein !

À ces mots, Ashton sembla se détendre, comme s'il était rassuré. Comme s'il réalisait que celle à qui il faisait face n'était pas une inconnue mais la fille qu'il avait profondément aimée pendant toutes ses années de lycée.

— Tu as raison ! s'exclama-t-il. Mais ça fait bizarre.

— De me voir en fauteuil ? rétorqua-t-elle aussitôt.

Ashton fit un petit signe d'acquiescement.

— Oui, je ne vais pas dire le contraire. Mais ce qui me fait le plus bizarre, honnêtement, c'est de te voir en ex.

— « De me voir en ex » ? répéta Sally en faisant la grimace.

Ashton leva les yeux au ciel théâtralement.

— Ma formulation n'est pas terrible mais tu comprends ce que je veux dire. 

Sally esquissa un sourire.

— Je déchiffre, blagua-t-elle. Et je n'allais certainement pas louper une occasion de te taquiner...

— Ça te rappelle de vieux souvenirs, c'est ça ?

Sally tourna légèrement la tête vers lui et le regarda du coin de l'œil. Les mains dans les poches et un sourire amusé aux lèvres, Ashton marchait à petites enjambées pour rester à son niveau.

— On peut dire ça, lui répondit-elle en affichant aussi un sourire.

Ils progressaient sur le chemin en silence quand Sally dit subitement :

— Je suis désolée pour tout ce qui s'est passé l'an dernier, et surtout pour t'avoir menti.

Ashton se stoppa net et pivota vers Sally.

— Et moi je suis désolé de ne pas avoir réussi à venir te voir à l'hôpital, je n'étais pas assez fort. Je suis encore plus désolé de ne pas avoir pris de tes nouvelles après ton réveil.

Sally tendit le bras pour prendre la main d'Ashton et elle plongea son regard dans le sien.

— Je ne t'en veux plus.

— Tu m'en voulais ?

Elle lui lâcha la main et leva les bras au ciel avec exagération.

— Évidemment ! Je ne vais pas dire le contraire pour que tu te sentes mieux.

Ashton se mit à rire.

— Tu as changé mais pas complètement, quand même !

Sally fit la moue.

— Du moment que je n'ai pas gardé que le pire...

Ashton fit non de la tête et dit après quelques secondes :

— Ce serait plutôt l'inverse.

Sally regarda droit devant elle et perdit son regard dans le vague.

— Je vois le monde et les gens un peu différemment. Je reconnais mes erreurs.

Ashton émit un sifflement en prenant un air faussement impressionné.

— Waouh ! Qui l'aurait cru ?!

Sally fit semblant de lui envoyer un coup de poing entre les jambes.

— Je n'atteins plus ton épaule mais je peux t'envoyer un bel uppercut dans les parties sensibles.

Ashton rit aux éclats.

— Tu as gardé ton caractère de chien !

— Pour ton plus grand bonheur.

Ils rirent ensemble. Quand ils se remirent à avancer, il n'y avait plus trace de tension entre eux.

Ils discutèrent plusieurs heures, se donnèrent des nouvelles des uns et des autres, puis quand vint l'heure du cours de théâtre de Sally, Ashton l'accompagna jusqu'au bâtiment qui abritait l'amphi.

— Anthony m'a dit que tu t'es mise au théâtre.

— Et tu n'en as pas cru tes oreilles, j'imagine.

— J'ai été surpris, oui.

— Je l'ai été, moi-même ! admit Sally en souriant.

Ils s'immobilisèrent en arrivant devant les grandes portes d'entrée. Ashton se mit à se gratter le coude. Sally reconnut le signe de sa nervosité. Elle le connaissait par cœur.

— Ça me ferait plaisir d'avoir de tes nouvelles de temps en temps, avoua-t-il.

Sally lui prit l'avant-bras et la pressa doucement.

— Moi aussi.

Elle lui sourit et lui adressa un petit au-revoir. Après avoir vu Ashton, Sally était sûre d'une chose ; il occuperait une place spéciale dans son cœur toute sa vie.