75.

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Quand on pleurs quelqu'un,on ne le fait pas en public.Les grandes douleurs sont muettes.

Bipolaire.
Voilà le mot qui lui correspondait le plus.
Vladimir était bipolaire.
Et moi,j'en avais marre.Marre de cette Polina qui venait à peine d'arriver et marre de Vladimir et son côté matcho.
Même la fontaine si calme n'arrivait pas à tranquilliser mon âme.Elle était comme une tempête de problèmes et m'empêchait à chaque brise de respirer.
Cette fille,j'avais lu dans son regard quelque chose de sombre.
J'y avais décelé le mal,comme si l'horreur du monde était emprisonné en elle.
Ses yeux exprimaient un courroux qui promettait de détruire quelqu'un,soit moi soit elle.

Je passai l'après-midi dans les vieux bouquins poussiéreux qui occupaient les innombrables étagères de la bibliothèque.
J'aime la compagnie de ces livres recélant un savoir encore inconnu et pourtant accessible,j'aimais l'odeur du papier qui n'avait pas connu de lecteur depuis bien trop longtemps et j'aimais le silence.
Parfois les hommes faisaient trop de bruit et seul les livres avaient le pouvoir de se taire.
Et j'aimais simplement me retrouver seule avec mes pensées et l'absence de bruit qui paradoxalement avait parfois trop de choses à dire.

Soudain,à travers les murs fins comme du papier,une conversation filtra.
Je bloquai ma page avec un marque pages aux motifs orientaux,avant de me lever en silence.
Bientôt,j'avais déjà traversé la distance qui me séparait du mur sur la pointe des pieds et collée mon oreille à la paroi aux mille nuances de blanc.

- Elisabeth est trop jalouse
- Elle a peut-être raison,répond Vin.
- Polina est ma cousine j'ai grandi avec elle
- C'est peut-être justement pour ça qu'elle est jalouse
- Jamais elle n'aurait dû me demander de choisir entre elle et ma famille
- Elle ne t'a rien demandé c'est toi qui interprète ses paroles
- De toutes manières Polina a le droit de passer son deuil chez nous,c'est moi qui ait tué son père
- Tu t'en veux ?
- Il allait s'en prendre à Elisabeth,dit Vladimir d'une voix robotique sans exprimer le moindre sentiment.
- Qui aurais-tu voulu protéger si tu pouvais retourner en arrière ?

Soudain le silence s'installa dans la pièce et l'espace d'un instant j'eus peur qu'ils m'aient entendu.
Puis,au bout de longues secondes,Vladimir répondît enfin.

- Je ne sais pas.

Je me laissai glisser contre le mur et sans m'en rendre compte une larme perla sur ma joue.
Et peut-être étais-je destinée à être éternellement déçue des gens.

La protégée du diable.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant