Chapitre 33 : Les excuses

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9 heures, bureau de Caleb Barnes

« J'ai l'impression d'avancer sur la planche de bateau pirate et d'être à deux doigts de devoir sauter dans la mer, bredouille Caleb en relisant quelques notes qui se retrouvent tellement abîmées que je me demande comment elles peuvent être encore en vie.

— Très étrange comparaison, mais on va dire que c'est normal, tu sautes dans l'inconnu. Personne ne pourrait se sentir à son aise devant autant de journalistes avides d'informations dégradantes qui sont prêts à tout pour te détruire, fais-je, en réajustant la cravate bleu marine de celui-ci.

— Et c'est censé me rassurer ça ? demande-t-il, en croisant les bras sur son abdomen, lassé.

— Non, finis-je par répondre, en reculant par grands pas. »

Depuis son arrivée dans son bureau, mon partenaire est incroyablement distant et froid, n'ayant décroché aucun regard amical. C'est presque un miracle si j'ai pu recadrer sa cravate. Mais aussi étrange que cela ne puisse paraître, il vient de se confier sur sa peur d'être devant le micro, et ça, c'est un sacré avancement.

Je me retrouve à côté d'un petit siège épais et m'assois sur l'accoudoir, en soufflant. Quant à Caleb, il s'est retourné vers sa table, en remuant tous les papiers qu'il peut avoir sous la main. Ses muscles se contractent par alternance, produisant un spectacle presque invisible sous les couches de vêtements.

« Pas moyen de trouver ce que je cherche dans ce foutoir ! Pendant mon temps de parole, fais un peu de rangement ici, cela devient invivable, ordonne-t-il, en s'agitant devant les piles de dossiers.

— Tu as besoin de ton discours peut-être ?

Quelle intelligence, j'en suis éclaboussé ! Il me fait face, sourcils froncés, un dossier de financement d'une série à Vegas, et d'un film musical à Hollywood, avec une actrice prometteuse à sa tête, mais enchaînant les frasques depuis des mois. Comme Caleb.

— Donne-moi ça avant que tu ne réduises en cendre ces deux projets et ensuite, j'ai prévu deux versions du même discours. Je prends les deux chemises en papier sous le bras et les place à mes côtés. Un est plus clair que l'autre, il ciblera plus la population, tandis que l'autre est bien plus technique, dirigé vers les membres de la profession.

— Le plus simple et le plus rapide sera le mieux, il est assez clair ce premier ?

— Normalement, mais...

— Apporte le ici, me coupe-t-il en jetant son regard sur le cadran de sa montre, la même que j'avais découverte presque deux semaines plus tôt, à Wall Street, je n'aurais pas le temps de le relire, j'espère qu'il sera correct. »

Je tente de lui répondre, mais son regard me lance des éclairs. Il n'est clairement pas de bonne humeur et rien que lui parler, c'est une mauvaise idée. Il peste dans son coin et je cours rejoindre mes documents qui, jusqu'alors, gisaient sur le clavier de l'ordinateur. Celui qui est le plus « fun » à mon goût est orné d'un trombone trop peu conventionnel pour être présenté devant mon patron, par peu conventionnel, je veux dire carrément de mauvais goût. Dommage, je n'ai que celui-là.

Merry et Dave sont déjà partis accueillir les photographes et journalistes pour qu'ils prennent tous place, ce qui m'empêche de leur demander un foutu trombone. Je retire l'incriminé et balaie la salle du regard. Rien. Absolument rien.

« Olivia, je n'ai pas de temps à perdre ! hurle Caleb, de l'autre côté de la paroi vitrée.

— J'arrive ! »

Chocolat Chaud et Chantilly [Tome 1]Where stories live. Discover now