Chapitre 34 : Le syndrome du "Je t'aime moi non plus"

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Confuse, je reste bloquée, les pieds vissés au sol. C'est la première fois que l'on me fait le coup et m'avouer ceci me fait comprendre que tout cela n'est que factice, tout cela n'est que l'avancement d'un mensonge qui s'épaissit de plus en plus. Avec tout le courage que je contiens dans mon corps, je me retire avant qu'il ne puisse toucher une once de mon visage. Sa main est maintenue en l'air, mais il la rabaisse rapidement en me voyant rejoindre mon siège, attristée.

« Mais c'est un cauchemar... Un vrai cauchemar... murmuré-je, coudes contre le bois du bureau, mains collées contre mes yeux. Tu as fait une énorme connerie Caleb, une énorme. »

Je relève la tête vers lui qui semble gêné et triste. Son premier geste est de jouer avec son pouce, cadeau de son cher Papa, qui s'agite tout seul. Lorsque je le regarde, j'ai l'impression de ressentir un chagrin et une profonde colère envers mon ancien patron. Qui aurait cru qu'un homme aussi banal au travail puisse être un monstre dans la sphère privée.

« Tu sais Liv', je ne veux pas te blesser...

— Et moi, j'aimerais juste que tu te rendes compte de ce que tu viens de dire. Ça change la donne. Le plan reste le même, mais tu viens de déclarer au monde entier ta flamme pour moi ! Et le pire, c'est que j'ai espéré que cela soit vrai un instant... Quelle idiote je fais !

— On ne peut pas développer des sentiments amoureux aussi rapidement Olivia. Nous ne sommes pas dans des romans à l'eau de rose ! débite-t-il.

— En effet, merci de me le rappeler, ça fait toujours plaisir, dis-je, amère. »

Nous soupirons ensemble, synchroniser, tout en nous fixant.

« Alors, même s'il y a une chance pour que tu n'éprouves rien, en excluant la partie de sport de chambre de dimanche, je vais devoir jouer le rôle de la briseuse de ménage et d'amante transi d'amour ?

— N'exagérons rien, tu joues déjà ce second rôle à la perfection, en soi tu le jouais depuis le début sans que l'on te prévienne. C'est juste plus officiel maintenant ! Il s'avachit dans l'ancienne chaise de bureau de Dory en contournant le plateau en bois.

— Oh bah si c'est plus officiel maintenant, tant mieux, tu m'en voies ravie ! Tu ne veux pas que l'on s'entraîne au fake french kiss tant qu'on y est ? J'agite le poignet pour décrocher un regard sur la montre. Presque 11h30, franchement, on a bien le temps non ? grimacé-je, avec moquerie. »

Semi-moquerie, je meurs d'envie d'avoir un semblant de contact avec son espace buccal. J'en transpire de désir et de plaisir rien que d'y penser parce que, même si c'est un blaireau de première, il embrasse comme un dieu. C'est comme une drogue dont on ne peut se passer.

« Tu sais quoi Olivia, tu es une fille horriblement emmerdante, je m'apprête à rétorquer quand il poursuit, exaspéré, et je me demande qu'est-ce qui a bien pu me passer par la tête pour te choisir, mais maintenant, je me dis que tout aurait été moins drôle sans ton caractère pourri, finit-il en riant follement.

— Quel compliment, je te le retourne. Son rire devient communicatif. Oh merde, c'est du n'importe quoi cette histoire ! Tout part en vrille ! Qui aurait cru que cela partirait si loin ?

— Personne sans doute. Nous sommes compliqués tout simplement. C'est ce qui rend tout ceci spécial, articule-t-il en balayant le vide du plat de la main. »

Après cette réplique, nous restons silencieux en s'observant longuement. Il me déshabille du regard et je fais de même alors que nous sommes si loin l'un de l'autre. Ses yeux sont deux braises ardentes, mais dont on essaie de jeter de l'eau dessus. Notre instant de flottement instance est stoppé par l'arrivée en fanfare de Merry, engloutie par des dossiers qu'elle peine à tenir entre ses bras tant ils sont nombreux. À sa suite, Dave, qui a la même charge dans les mains, mais qui avance avec moins de difficulté. En arrivant en face de nous, ils déposent tout en vrac et soufflent de fatigue.

« Caleb, voici tous les réalisateurs et producteurs qui remettent en question leurs contacts, décrit Merry en indiquant un tas, et voici tous ceux qui veulent votre aval pour produire.

— Mais... Ce sont des montagnes de projets ! Qu'est-ce...

— Certains semblent trouver votre image de, elle tousse, « connard », selon les sites internet féminins, assez vendeuse. Nous louchons tous sur elle qui pâlit. Mais arrêtez de me regarder comme ça ! Oui je regarde les sites féminins, ne me dites pas que vous ne faites pas ça ? Dave et Caleb se jettent un coup d'œil étrange. Bon, d'accord, au moins toi Liv' ?

— Pas vraiment, non. »

Tous, nous balayons la salle pour nous observer tour à tour avec les deux piles de papier. Le premier à réagir est Dave qui s'agite au-dessus d'elles, les soulevant pour voir les noms inscrits sur les couvertures. Il s'exclame, surpris en retirant un d'eux dans la pile des projets en demande.

« Walters Company ! Il lit de travers les pages en arrondissant les yeux. Ils vous demandent de produire une série ! Cette affaire offre du bon finalement...

— Walters Company ? Mais tu disais que c'était, je cite, « une vraie plaie « de s'en occuper, demandé-je, perplexe, en prenant le dossier des mains pour le feuilleter.

— Et ça l'est, je te le confirme, cependant, c'est du lourd ! »

Il applaudit avec joie et se tourne vers Caleb qui hausse le sourcil.

« C'est une opportunité en or pour Mediatics !

— Si tu le dis, Dave, laisse-moi jeter un coup d'œil dessus. Mais on a des problèmes plus urgents à régler que ça. »

Dave grimace tandis que Merry s'approche de moi pour me caresser l'épaule, geste de réconfort par excellence. Pour la remercier, je souris et pose ma main sur la sienne tandis que les deux mâles du groupe se regardent en chiens de faïence. Guerre d'égos travailleurs sans aucun doute.

« Les enfants, je crois que l'on a du boulot sur la planche et les médias vont peut-être se déchaîner après l'annonce de ton amour pour moi donc, je propose que chacun aille à sa place et que l'on fasse ce que l'on est payé à faire. N'est-ce pas ? »

Caleb se lève de la chaise d'un bond et, comme un soldat, il fait un salut, suivi par les autres collègues et compères. D'une seule voix, ils me répondent, un brin amusé :

« Oui chef ! Bien chef !

— En avant, marche ! hurle Dave qui rejoint en quelques enjambées son bureau, attrapant au passage quelques liasses des piles. »

Tous s'activent sous mes yeux, prenant chacun une part du travail tandis que Caleb, le dossier Walters Company dans les mains, s'arrête devant sa porte puis se retourne vers moi pour dire :

« Nous en reparlerons tout à l'heure.

— En effet... Je me mords la joue avant d'ajouter, en appuyant sur les mots et le saluant vaguement, Monsieur Barnes.

— Mademoiselle Lawford. »

Il ferme la porte derrière lui sans la claquer et, sans le vouloir, un fin sourire orne mon visage qui devrait être soucieux et attristé comme précédemment.

C'est le syndrome du « je t'aime moi non plus » finalement, mais j'aimerais bien que la balance pèse plus du côté « je t'aime » que « moi non plus ».

Chocolat Chaud et Chantilly [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant