19.

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En descendant du tram je découvre Irem assise à l'arrêt, entrain de pianoter sur son téléphone. Nous ne nous sommes pas reparler depuis « l'incident », aka la découverte des rumeurs tournant au sujet de ma famille. Je reste plantée là quelques minutes, à me demander si c'est moi qu'elle attend ou pas. Après tout, qui d'autre ? Elle me convient, et je lui conviens, on n'a pas lié plus d'affinités avec notre groupe d'étude. Je suis sûre que c'est moi qu'elle attend.

Son voile marron tombe négligemment sur sa poitrine, et je ne peux m'empêcher de l'admirer. Elle est vraiment jolie. Elle s'habille avec élégance et le voile lui va à ravir.

- Coucou.

Elle relève la tête et un sourire apparaît sur son visage.

Irem - Heyyy Radia !

Un petit silence gêné s'en suit, et elle se lève en vitesse, m'attrapant par le bras.

Irem – Ecoute, je suis VRAIMENT désolée pour ce qui c'est passer. Cam' voulait pas mal agir tu sais, vraiment elle pensait pas mal faire... Elle est très maladroite. Et j'en suis vraiment, mais vraiment désolée.... Je savais qu'il y avait quelque chose avec ta famille vu que t'as toujours été vague à ce sujet, mais je me doutais pas que... voilà quoi. En tout cas, elle s'excuse vraiment, et si vous pouviez repartir sur de nouvelles bases... Je te jure qu'elle est pas méchante, elle est juste débile.

Sa remarque me fait sourire.

Irem – Si t'as besoin de parler, tu sais que tu peux m'appeler peu importe l'heure tout ça vraiment ya 0 soucis. J'suis là si t'as besoin de quoi que ce soit.

Je serre affectueusement sa main, avant de lui sourire franchement.

- Je sais, et merci. C'est juste que j'ai été prise de cours, et j'ai eu peur.
Irem – Je comprends.

Je ne renchéris pas et on continue notre petit trajet vers la fac.

Irem – T'aurais pu me dire que ton oncle c'était une célébrité, yavait moyen d'arranger un coup.

Devant son sourire malicieux j'explose de rire en lui tapant l'épaule, et on passe en rapide à la boulangerie histoire d'avoir la panse remplie avant le premier cours de la matinée.

***

Après ma journée de cours, je décide de faire un petit facetime avec Lakhdar, qui est comme d'habitude avec Kader.

- Beyoncé à l'appareil.
Kader – Pourquoi je vois une moche alors ?
- Ahah, très drôle.
Kader – Je sais, merci.
Lakhdar – Ca va princesse ?
- Oui hamdolah hein et vous ?
Lakhdar – Ca va... on sort de la muscu.
Kader – Radia tu sais que ton tonton préféré porte 5kg de plus que tonton2 j'espère ?
Lakhdar – Mais ferme là toi, ton corps de lâche là. Et pourquoi ze3ma toi t'es le tonton préféré ? On sait tous que c'est moi qu'elle préfère.
Kader – Mais nehel sheitan arrête de mentir comme ça wech Lakhdar arrête !

Et les voilà repartis. Ils me manquent. J'ai toujours été proches de mes oncles, ils sont plutôt comme des grands frères pour moi. Je les aime à la folie, et c'est tellement bon de se faire aimer en retour. Ils sont toujours pleins d'attention pour moi et m'ont fait vivre la vie de rêve pendant de longues années. Et les voir se chamailler comme ça à l'écran me rend nostalgique, j'ai actuellement envie d'être là-bas, face à la mer, assise sur le canapé entre ces deux gros lards, Nedjma sur les genoux, l'écouter nous raconter sa journée d'école ; puis voir débarquer Ezia, la voir balancer ses chaussures un peu partout avant de chercher Adam partout. C'est son tic, elle n'est pas sereine tant qu'elle n'a pas vu Adam. Une fois sûr qu'il est bien là, elle nous calcule enfin. Adam serait en train de bosser sur son ordi, les sourcils froncés, et ne relèverait la tête que pour l'embrasser. Nous quatre, on tournerait la tête en mimant une grimace et Nedjma se mettrait à crier comme si elle avait vu la scène la plus répugnante que la terre n'ait jamais connu.

Tout me manque. Même l'odeur de la maison me manque. L'odeur de la lessive qu'on utilise. Ou même juste sentir le sable sous mes pieds lors de mes promenades nocturnes. Faire la course sur la jeté, pour savoir lequel d'entre nous est la poule mouillée. Tout ce genre de trucs.

Je suis ravie de vivre à Paris, parce que ça a toujours été mon rêve. Je n'avais jamais pu imaginer que ma routine quotidienne me manquerait tant. Comme on dit, c'est quand on perd quelque chose qu'on se rend compte de sa valeur.

Je me demande si je dois leur parler de mon père ? Je sais que les garçons me conseilleraient bien, mais j'ai aussi peur de la réaction excessive de Kader. Il est toujours dans l'abus sur ce genre de choses, et serait prêt à débarquer dans l'heure qui suit pour régler le problème. Je n'ai pas envie de les déranger plus que ça avec mes soucis, j'ai voulu vivre seule, et ici, et il faut peut-être que j'en assume les conséquences. Je retiens donc ma langue, et si besoin je les rappellerais.
On a dû passer une bonne heure à parler avant que je raccroche et que je m'attelle à la lourde tâche qu'est la cuisine.

***

Après une bonne douche, une séance démaquillage et soin cheveux, j'enfile mon pyjama avant de m'étaler dans le canapé. Je vais relire mes cours avant de dormir. Je veux les avoir bien en mémoire, on ne sait jamais.

C'est la sonnerie de mon téléphone qui me sort du sommeil. Je mets quelques secondes à réaliser où je suis, avant de remarquer que je suis dans le canapé, les fiches de cours éparpillés sur mon corps et une trace de bave sur le plaid. Bon, je me suis manifestement endormie en pleine séance de révision. J'attrape mon téléphone, pas assez rapidement pour décrocher l'appel. Il est 2h00 du matin, et mes yeux s'agrandissent quand je vois que c'est Oussama qui a tenté de me joindre. Je le rappellerais demain... Non. Peut-être qui lui est arrivé quelque chose ?

Et sans pouvoir me contrôler, je me suis mise à le harceler, complètement stresser derrière mon écran.
Il décroche finalement après plusieurs tentatives, et a la voix pâteuse.

Ouss – Ouaaaais RADIAAAA.

Ok, il n'est visiblement pas dans son état normal.

- Oui, c'est moi.

Il met quelques temps avant de répondre.

Ouss - J'te réveille ?
- Non... Non j'étais en train de réviser.
Ouss – D'accord.

Pendant quelques minutes je n'entends que sa lourde respiration dans le combiné. Et ça ne m'ennuie pas au contraire. J'aime bien. Rapidement, ma respiration se cale sur la sienne, et on respire en harmonie. Ça me fait sourire derrière l'appareil.

- T'es où Oussama ?
Ouss – Là.
- Comment ça là ?
Ouss – Bah LA !!!

Et il ricane.

- Mais c'est où là ?
Ouss – Eteins la lumière pour voir.
- Quoi ?
Ouss – Eteins.

Je comprenais rien mais bon, si ça peut lui faire plaisir. Je me lève, et appuie sur l'interrupteur. Je me retrouve plongée dans le noir.

- C'est bon.
Ouss – Oui. Rallume.

Je rappuie.

Ouss – Hellaaa.
- Mais t'es où là ?
Ouss – Met toi à la fenêtre.

Mon cœur s'accélère, il bat si fort que j'ai l'impression qu'il va s'envoler. Me dites pas qu'il est juste là, en bas ? La main tremblante, j'ouvre la fenêtre.

- J'te vois pas.
Ouss – Moi si.

Peu à peu mes yeux s'habituent à l'obscurité, et je remarque une ombre assise sur le petit muret en face.

- Mais qu'est ce que tu fous là Ouss ?

Il rigole.

Ouss – J'sais même pas wAllah.

Je referme la fenêtre et enfile mes chaussons cochons à toute vitesse. J'attrape une veste en vitesse pour combattre le froid, et dégaine à la rache je franchis la porte de mon appartement.

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❤️

« Soleil de mes nuits »Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin