Chapitre II

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>NESS

     Isolée, je m'étais adossée contre le bus. Je ne voulais pas rejoindre cette foule délirante qui hurlait, piaillait sans s'arrêter. Fatiguant. Tous les élèves de Clupérusce étaient là, bien présents entre les ruines de l'ancienne ville, devant la Forêt, loin d'être prêts à écouter le Maire que l'on ne voyait qu'une fois tous les trois mois, pendant ce jour-là. Le jour de sensibilisation.

     Ce jour était important, ou du moins semblait important bien que je n'en avais rien à faire. À vrai dire, son caractère devait être nécessaire puisque les brigades mystères étaient présentes. Le Maire et tous les gens importants - encore - étaient là afin de nous mettre en garde contre ce qui se trouvait de l'autre côté des ruines, de l'autre côté de la Forêt bien que personne ne sache ce qu'il s'y trouvait là-bas. Tous les mois, la mairie organisait ce genre de rendez-vous où tous les mineurs devaient être présents, sans exception pour écouter le discours barbant des brigades. Inutile.

     Les brigades. Personne ne voulait rejoindre leur rang, à part les idiots comme Kevin, qui avait pour objectif de savoir coûte que coûte ce qui se trouvait par-delà la Forêt. Cependant, tout être normalement constitué s'accordait sur le fait que ces gens ressemblaient à des robots conçus dans le seul but de tuer pour protéger. Autant vous dire que nous avions la chance de nous trouver après le « pour ». Le jour de sensibilisation et les quelques heures durant lesquelles ils traversaient la ville dans leurs énormes voitures blindées noirs aux propriétés bizarres étaient les seules fois où nous avions l'honneur de les voir.

     Ce groupe était composé de femmes et d'hommes surentraînés, continuellement armés pour, de mon point de vue, combattre des menaces invisibles et inexistantes. J'avais pour coutume de les surnommer ; les brigades mystères. Je ne les avais jamais vues se battre. Personne ne les avait jamais vues se battre mais tout le monde les respectait. Les armes y étaient certainement pour quelque chose.

     « Où est Ness ? »

     Je levai la tête, interpelée et vis que ma prof principale, une femme aigrie qui me détestait tout particulièrement, me cherchait activement, ses sourcils froncés. Je me détachai alors du bus et lui tournai le dos pour tenter de m'esquiver discrètement mais ce ne fut qu'une vaine tentative puisque quelqu'un prit plaisir à hurler mon nom en me pointant du doigt. Échec.

     « Elle est vers le bus, Madame ! »

     Je me paralysai en rentrant la tête dans les épaules et jurai. Je pivotai lentement pour voir qui venait de me balancer et découvris, sans étonnement, qu'il s'agissait de Garance.

     « Où est-ce que vous croyez aller, Mlle Ortega ? me lança sèchement Mme Pivert.

     -  Nulle part visiblement », rétorquai-je en rejoignant à contrecœur le groupe.

     Pivert n'était pas son vrai nom de famille, juste un surnom que je lui avais donné parce que je trouvais qu'elle ressemblait à cet oiseau énervant qui ne cesse de faire du bruit pour rien. Elle était le genre de prof à dire toutes ses pensées à voix haute. Super intéressant.

     « Venez près de moi, insolente ou je vous mets une heure de colle. »

     Je ne répliquai rien et me postai à ses côtés, avec une distance de sécurité anti postillon bien évidemment. Ennuyée, je jetai un coup d'œil à Garance qui me souriait mesquinement, fière de son œuvre. Kevin lui souriait et toute contente, la peste décolorée rougissait de fierté. Comme si c'était un exploit... Pitoyable.

     Je restai cependant impassible bien qu'ayant la furieuse envie de leur écraser le crâne contre un mur brisé et me tournai vers le Maire qui apparut devant nous. Un micro entre les mains, il eut la bonne idée de taper dessus ce qui eut le bénéfice de créer un son horriblement désagréable qui nous vrilla les tympans. Je grimaçai. Quelle plaie.

AU-DELÀWhere stories live. Discover now