Chapitre XXV

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    « Souviens-toi, reviens avant l'aube. »

    Je hochai la tête et la présence sombre du Nébuleux s'évapora au moment où les sorcières m'encerclèrent, vêtues de la tenue la plus clichée de leur espèce. Athénaïs se posta à mes côtés et se saisit de ma main, me partageant son stress et sa bienveillance. Sa paume était aussi moite que la mienne. Je la sentais trembler entre mes doigts. Elle m'offrit un sourire contrit.

    « Je ne suis pas prête.

    - Ça tombe bien, ça n'est pas toi qui dois l'être, rétorquai-je en levant les yeux au ciel.

    - Tu vas me manquer, Ness Ortega. D'ailleurs, je te reproche de ne pas m'avoir appris des choses sur les humains.

    - On a jamais le temps dans ton monde. »

    Elle échappa un soupir amusé qui se matérialisa devant nous en un léger nuage blanc qui se détacha de l'obscurité de la forêt. Les arbres se dressaient, menaçants devant notre groupe de vingt-et-une personnes et les ténèbres semblaient toujours plus épaisses. Heureusement. J'allais passer encore plus inaperçue dans ce brouillard noir qui flottait en permanence dans ces sous-bois. J'étais habillée comme toutes les autres : haut échancré noir, jean noir, bottes noires et sweat noir muni d'une capuche grâce à laquelle mon visage était partiellement caché. Enfin, j'avais échappé aux robes moulantes ou aux jupes bizarres qui les faisaient ressembler à des sorcières maléfiques séduisantes. J'inspirai un grand coup et regardai ma montre. Dans moins de six heures, j'allais devoir traverser cette forêt et rejoindre la Noirceur, quittant à jamais ma mère et ma vie d'humaine solitaire. Cette mise en scène me donnait le tournis.

    Un grognement me fit tourner la tête. Une énorme bête sortit lentement des buissons et, écrasant les feuilles mortes sous ses imposantes pattes et griffes, se déplaça jusqu'à moi. Les sorcières avaient accepté que Gabriel m'accompagne. Ou presque. Danae maudissait le manticore de ses prunelles bicolores. La chimère secoua son corps musclé et tourna sa tête féline vers moi, croisant mon regard. Ses crocs étaient sorties comme si elle sentait un danger. Peut-être était-ce le Nébuleux qui voguait certainement dans les bois, en compagnie de Kevin.

    Espérons qu'il ne soit pas tout de suite tué.

    Gabriel colla sa fourrure brune contre moi et me communiqua sa chaleur rassurante. Je posai ma main sur son flanc qui m'arrivait à l'épaule puis enfonçai mes doigts dans son pelage. Jamais je n'aurai cru pouvoir un jour toucher ce genre de créature. Incroyable.

    « C'est bientôt l'heure », déclara Alys en s'avançant à ma droite, l'attention braquée devant elle.

    Et elle eut raison. Des étincelles multicolores chargées de magie éclairèrent les bois, glissant sur les branches dénudées des arbres, sur les buissons, éclairant faiblement l'horizon. De fines lignes vertes et argentées sinuèrent sur le sol, fendant le terre boueuse d'une clarté impensable. Magnifique. Des rires cristallins nous parvinrent mêlés à des murmures apaisants qui comblèrent le silence oppressant. Gabriel gronda en se campant sur ses pattes tandis qu'autour de nous, les arbres s'unissaient pour nous protéger. Un long chemin illuminé nous apparut et je restai époustouflée. Je n'avais rien vu d'aussi beau. Les nymphes étaient peut-être perchées mais leur pouvoir était d'une beauté enchanteresse. A l'exact opposé de celui du Nébuleux.

    « Allons-y. »

    Alys prit la tête de notre étrange convoi et nous finîmes par toutes lui emboîter le pas, accompagnées par la présence féerique des nymphes. Gabriel demeura collé à moi, les sens aux aguets et son pas lourd contrastait avec la légèreté de la magie qui nous entourait. Nous avançâmes dans un silence presque religieux. J'écoutais les chuchotements plein de gaieté des nymphes qui se répercutaient contre les troncs centenaires.

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