Chapitre XVIII

43 6 4
                                    

>NESS

    Lorsqu'enfin vint la fin de journée, je me précipitai hors de la bibliothèque sans laisser le temps à la Chouette de me garder plus longtemps et quittai l'établissement en ne cessant de regarder ma montre.

    Faites que Gabriel soit ponctuel.

    Je sortis sur le parking avant que tout le monde ne se bouscule pour rejoindre leur voiture et cherchai celle de mon ex-meilleur ami dans la ribambelle de bagnoles qui attendait leur propriétaire. On tapota soudain mon épaule si bien que j'en sursautai. Je fusillai immédiatement Gabriel de mon regard argent ce qui le fit sourire.

    « T'as vu, je suis à l'heure !

    - Non, déclarai-je sèchement en jetant un coup d'œil à mon cadran, t'as deux minutes de retard.

    - Toujours à chercher la petite bête, soupira-t-il en levant les yeux au ciel, tu voudrais pas mettre ta rancune de côté ?

    - Bon, où est ta voiture ? »

    Je me détournai de lui en lui montrant très clairement mon impatience. Il ricana, amusé et finit par me montrer sa soi-disante « nouvelle meilleure amie, Margarita » du doigt avec une fierté non dissimulée. Je me dirigeai vers cette dernière sans rien ajouter de plus et il dut me rattraper en trottinant. Il se plaça devant moi et marcha à reculons alors que je m'obstinais à l'éviter du regard.

    « Bordel, Ortie, tu vas me faire la gueule encore longtemps ?

    - L'éternité ne serait pas assez longue...

    - Merde, qu'est-ce que je peux faire pour que tu me pardonnes ? Je me coltine déjà ton cousin, ça devrait suffire, non ? »

    Je le contournai et me postai devant la portière passagère alors que les portes vomissaient déjà une masse compacte d'élèves pressés de s'enfuir du bâtiment scolaire. Je lui fis signe d'ouvrir sa voiture d'un regard noir si bien qu'il obtempéra à contrecœur et je me faufilai à l'intérieur.

    Cela faisait désormais quatre jours que Kevin habitait chez Gabriel, à l'abri de tous les prédateurs potentiels qui traînaient à chaque coin de rues du Secteur 13. Gabriel était, je devais l'avouer, le meilleur garde du corps que mon cousin pouvait avoir et, je devais l'accorder, je lui faisais encore assez confiance pour qu'il prenne soin de Kevin, qui était encore choqué de ce qui lui arrivait. Il était couché à longueur de journée sur le canapé et se mettait à réfléchir - chose très rare - sur sa condition actuelle. Il déprimait car il avait frôlé la mort et s'émerveillait presque de tout pour la même raison. Déprimant, oui.

    Et ça faisait aussi quatre jours que j'avais appris que je devais être normalement morte depuis cinq ans. Que mon père avait été tué par l'émanation violente de nos énergies combinées. Que j'avais été ressuscitée par un échappé d'asile. Que je devais sauver ce peuple qui voulait me bouffer. Et que je ne savais plus quoi faire car la vie semblait avoir enfiler son costume de Sadique Invétérée depuis deux semaines pour une durée indéterminée. Merveilleux.

    « Bon, même si tu ne veux pas me parler, tu peux quand même me dire ce que tu veux que je fasse. Tu m'as appelé mais tu ne m'as pas dit pourquoi.

    - Contente-toi de me déposer chez les sorcières. Je vais préparer un sac pour dormir chez toi. »

    La surprise fut si grande que Gabriel cala brusquement au beau milieu du parking s'attirant les foudres des voitures qui le suivaient. J'entendis quelques insultes salées à son intention ce qui me fit sourire. Gabriel grogna quelque chose d'incompréhensible et redémarra en sortant son bras par la fenêtre pour adresser un beau doigt d'honneur à la voiture de derrière. Il prit ensuite la route, muet comme une carpe. Il devait sans doute être en train de digérer cette nouvelle information. Et quand il retrouva l'usage de la parole, son regard quitta quelques secondes la voie pour se poser furtivement sur moi.

AU-DELÀWhere stories live. Discover now