Chapitre 6

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Chapitre 6 :

L’hiver était déjà bien installé dans la petite ville d’Aix-en-Provence, dans le centre-ville des manteaux, des bonnets et des écharpes avaient remplacés depuis quelques temps déjà les jupes, short et chaussures ouvertes. Les fêtes de fin d’année n’étaient plus très loin et la fébrilité qui caractérise cette période de l’année s’était emparée des habitants. Le marché de Noël avait pris place sur la plus connue des rues de la ville. Les mignons petits Chalais en bois accompagnaient les gens dans leurs ballades tandis que les illuminations clignotaient. Luna qui traversa le Cours Mirabeau en eut la nausée. Cette année encore Luna devrait affronter l’épreuve des fêtes de Noël. Elle pressa le pas pour arriver le plus vite possible chez elle. Comme tous les ans, la seule solution que Luna trouva pour supporter ces moments était de se plonger corps et âme dans le travail. C’est pourquoi dès qu’elle arriva chez elle, elle s’assit en tailleur sur son lit et ouvrit son cahier de physique-chimie. Mais ses parents ne l’entendaient pas de cette manière, ils entrèrent dans la chambre de la jeune fille quelques minutes plus tard. Sachant très bien ce qu’ils voulaient Luna ne leva pas les yeux de son exercice et dit :

- Je n’ai pas le temps de parler, je bosse.

- Nous le savons chérie, mais tu peux bien nous accorder une minute non ?

- Non.

Nicole lança un regard paniqué à son mari, ce dernier lui tapota l’épaule pour la rassurer et avança jusqu’au lit de Luna avant de dire :

- C’est bientôt son anniversaire, Luna.

Luna serra les dents, elle essaya de contrôler sa voix quand elle parla :

- Comme je vous le dis tous les ans, ce n’est PAS son anniversaire ! Ce sera sans moi cette fois encore mais dite lui bien que je pense à elle !

Ajouta-t-elle d’un ton ironique, c’est sa mère qui répondit gentiment :

- Luna, il faudra bien que tu surmontes cela un jour ou l’autre et que tu viennes avec nous lui rendre visite.

Luna se leva, en furie et cria :

- Sortez de ma chambre !

- Nous irons la voir dans deux semaines, puis nous irons au chalet après. Donc si tu veux nous rejoindre n’hésite pas surtout.

Avant de partir Nicole questionna Luna :

- Tu t’es bien arrangée avec Isabelle ?

 - Oui maman.

- Et cela ne dérange pas Marc et Marie que tu passes la semaine chez eux ? Tu en es certaine ?

- Pour la centième fois : oui !

C’est son père qui répondit :

- Bon on te laisse, travaille bien chérie.

Une fois que son père eut fini de parler il sorti et ferma la porte derrière Nicole qui le suivait, tandis que Luna avait le regard fixe. Elle ne bougea pas, seules des larmes qui s’échappaient de ses yeux trahissaient la tempête qui faisait rage dans sa tête et son cœur. Cette conversation avait éprouvé la résistance de Luna qui dû faire de gros efforts pour que ses parents n’entendent pas ses sanglots durant les jours qui suivirent. En cours la jeune fille qui d’habitude était si attentive, peinait à écouter plus de cinq minutes par matière. Bien sûr il lui arrivait de craquer de temps en temps mais elle s’arrangeait toujours pour demander au professeur de sortir lorsqu’elle était en cours ou pour se précipiter aux toilettes aux intercours. Elle s’y prenait de telle façon que personne ne suspecta quoi que ce soit, cette technique avait prouvé son efficacité durant des années. Mais Luna fit une erreur quelques jours après le départ de ses parents pour les Alpes. Après avoir passé la récréation à pleurer, elle arriva en retard à son cours de sport. Dans la précipitation, elle oublia de se rincer le visage et les traces de sel sur ses joues et ses yeux rouges la trahirent auprès d’Isabelle qui sut directement que quelque chose clochait. Malgré les regards insistants qu’Isabelle lui lançait depuis qu’elles avaient quitté les vestiaires, Luna ne desserra pas les dents trop occupée à retenir ses larmes. Isabelle était désemparée, elle n’avait jamais vu son amie comme cela. Une fois rentrée, Isabelle se précipita pour raconter à Marie les évènements de l’après-midi. Luna, qui passait la semaine chez son amie pendant que ses parents étaient au chalet, fit comme si de rien n’était et révisa ses cours d’Anglais. Elle s’attendait à ce qu’Isabelle et Marie veuillent lui tirer les vers du nez d’un moment à l’autre mais les jours passèrent sans que rien ne change et Luna leur en était reconnaissante pour ce répit qu’elles lui accordaient. L’adolescente avait pourtant confiance en Isabelle et Marie, là n’était pas le problème, pourtant seule l’idée de parler de ce qui la faisait souffrir lui retournait le sang et la paralysait. Elle aurait aimé qu’elles soient déjà au courant de tout, sans avoir à leur dire un seul mot. La peur de rouvrir ce chapitre de sa vie était trop forte, elle craignait de se laisser submerger, de ne pas pouvoir le supporter et de s’effondrer sans jamais pouvoir se relever. Mais ce qui la terrifiait plus que tout c’était la dimension réelle que prendrait cet évènement si elle venait à le raconter à une tierce personne. Mais tôt ou tard, il faudrait bien qu’elle ouvre la petite boîte dans laquelle elle avait classé toute cette histoire, sinon elle ne pourrait pas avancer. Luna en était consciente mais elle voulait retarder ce moment le plus possible. Comme Luna s’y attendait, après qu’Océane ai été couchée le vendredi soir, Isabelle et Marie prirent un air conspirateur et la firent assoir dans le salon. C’est Marie qui prit la parole en premier :

- Alors Lu, comment tu te sens en ce moment ?

- Effrayée ?

- Pourquoi cela ?

- Vous me fichez un peu la chair de poule mais sinon je vais bien.

- Ah ! Ah ! Très drôle ! Dit Isabelle ironiquement.

- Isa !  Réprimanda Marie en lui lançant un regard noir à travers ses cils incroyablement longs avant de continuer en se tournant vers Luna le regard étrangement compatissant, je sais que tu ne vas pas aussi bien que tu ne veux bien le laisser croire petite puce.

Luna décida de jouer la carte de l’innocence :

- Non, tout va très bien, vraiment.

- Luna, tu te caches pour pleurer.

La jeune fille baissa les yeux, le moment de parler était arrivé et pourtant elle n’y était pas encore préparée. Elle se laissa envelopper par le silence.

- Luna ?

Lorsqu’elle finit par lever les yeux, elle vit ceux des deux sœurs plongés dans l’inquiétude qui l’observaient. Elle prit sa respiration à plusieurs reprises pour rassembler le peu de courage qu’elle avait puis elle murmura :

- Oui c’est vrai…

Soulagée d’apprendre que Luna n’avait pas perdu l’usage de la parole, Isabelle serra la main de son amie dans la sienne tout en disant :

- Tu sais, si tu n’as pas la force de nous parler, ce n’est pas grave. Tu pourras toujours compter sur mon épaule pour t’appuyer et sur mes mots pour te réconforter, alors je t’en prie ne t’enferme plus pour pleurer… En plus les toilettes c’est crade !

Sa dernière réflexion arracha un sourire à Luna à travers ses larmes. Les mots d’Isabelle provoquèrent un déclic. Luna décida de tout raconter, peut-être cela lui permettrait d’alléger un peu sa conscience.

«  Je ne te fuirai plus  », pensa-t-elle avant d’ouvrir la bouche :

- Je vais … tout … vous dire. Réussit-elle a bredouiller malgré sa voix entrecoupée de sanglots.

- Prends ton temps, lui dit Marie.

- Cela s’est passé quand j’étais petite… Encore maintenant, tout est flou.

Elle s’arrêta un instant sur le point de dire quelque chose qu’elle n’avait encore jamais dit jusqu’à présent :

- J’ai été enlevée. 

EnchaînésWhere stories live. Discover now