Chapitre 27

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Je baisse la vitre et regarde le vieux monsieur en face de moi.

-Vous allez bien mon garçon ?

Je secoue la tête.

-Vous connaissez cette maison pour vous être arrêté juste devant ?

Je me tourne et ma respiration se bloque. Mes gestes et ma conduite m'ont amené devant la maison de mon enfance. Celle que je partageais avec mon père. Sans répondre, j'ouvre la portière et m'avance jusque sur le trottoir. La façade a perdu de son éclat, la peinture des volets est écaillée mais la pelouse juste devant est entretenue.

-Qui vit ici ? Je demande.

-Personne depuis bien longtemps....

-J'ai habité ici. Avec mon père.

-C'est... Petit Travis ?

-Petit... Il n'y a qu'une personne qui m'appelait comme ça. Monsieur Carlson c'est vous ?

-Avec bien des années en plus oui. Nom de dieu ! La maison n'a plus jamais été habitée depuis vous. Je pensais qu'avec la mort de ton pauvre père, paix à son âme, elle serait vendue mais non. Alors je tonds la pelouse parce que je sais qu'il n'aurait pas aimé qu'on ne s'en occupe pas.

-Il détestait quand l'herbe était trop haute, dis-je en souriant.

-Oh ça oui ! Pourquoi tu n'es jamais revenu ici ?

-Je ne savais pas qu'elle était inhabitée. Il faut que... Que je me renseigne. C'était ma maison.

-La clé de secours est toujours au même endroit, m'informe le vieil homme. Je le sais parce qu'il me l'avait dit. Je ne suis entré qu'une seule fois pour... Protéger vos affaires.

Je m'avance. Je glisse la main sous la deuxième planche du porche, celle qui était toujours branlante, où mon père cachait l'autre clé. Je tremble quand je l'insère dans la serrure. J'ouvre la porte et les souvenirs heureux jaillissent de toute part. J'avais tellement une belle vie avec lui. C'était le meilleur des pères. J'ai encore l'impression de sentir l'odeur des tartes aux pommes du samedi. D'entendre la télé du salon qui ne servait que de bruit de fond quand on jouait aux jeux de société sur la table basse. Je revois ses hochements de tête et son sourire fier quand il vérifiait mes devoirs. J'entends nos rires et ses protestations indignées quand je le battais aux jeux vidéos. Il me manque tellement...

-Cette maison est à toi. Je te laisse avec tes souvenirs. Je suis content de te revoir petit.

Je l'entends qui ferme la porte. Je fais un pas vers le salon. Tout est tel que je l'ai connu. Des draps blancs recouvrent tout comme dans ces films à la télé quand le type achète une vieille maison hantée en fanfaronnant parce qu'il l'a payé une misère. Bref, c'est ma maison. Je ferme les yeux. Je dois savoir si j'ai le droit d'être ici. Je ne veux pas qu'on pense que je suis un intrus où je ne sais quoi.

Je ressors en me promettant de revenir très vite. Je passe voir le docteur Mayers qui me fait un arrêt de travail quand je lui explique que je ne suis pas en forme. Je ne lui dis pas que j'ai peut-être l'opportunité de récupérer la maison de mon père. Je dois aller voir l'avocat qui s'est occupé de moi et je m'y rends sans tarder. Il me reçoit alors que je patientais en tapant du pied impatient. Je lui expose la situation. Il passe de nombreux coups de fils, prend des notes et à la fin sourit.

-Bien ! Votre père était une personne prévoyante et visiblement soucieuse de l'avenir de son fils.

Je grimace quand je pense à ce que je suis devenu après son départ. Il ne serait pas content.

-Votre père ne vous en voudrait pas, dit-il comme s'il lisait dans mes pensées. Rien de ce qui est arrivé n'est de votre faute. Il serait temps que vous le compreniez.

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