Chapitre 13

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« Hé, Jean, je crois que j'ai trouvé le tien. » Ironisa Liesel en balançant un drap roulé en boule à son camarade.

La dernière nuit dans leurs dortoirs s'était achevée quelques heures auparavant, ils s'attaquaient donc au moment fatidique : le nettoyage. La moitié des recrues s'y collait ce matin, les autres, qui avaient d'autres tâches à l'extérieur du Quartier Général, les relaieraient à midi. Liesel enviait franchement ceux qui se trouvaient au sommet du Mur en ce moment, avec la plaine à leurs pieds et l'horizon sous les yeux, pendant qu'elle trimballait des piles de draps plus grandes qu'elle d'un bâtiment à l'autre.

Leur ancien instructeur avait collé les deux fauteurs de troubles et quelques autres à la récolte et la lessive du linge de lit. Malgré la présence d'ordinaire apaisante de Marco, ils semblaient mettre un point d'honneur à s'engueuler jusqu'au bout.

« Je ne fais plus pipi au lit. Répliqua son camarade en le lui renvoyant en pleine tête avant qu'elle ait pu dire quoi que ce soit.

- Allez, on se calme... » temporisa leur ami depuis l'autre bout du dortoir, une moisson de taies d'oreillers dans les bras.

Liesel leva les yeux au ciel et se mit au travail à nouveau, pliant méticuleusement le drap en huit. Si c'était mal fait, le monomaniaque qui faisait office de sergent instructeur allait leur faire tout recommencer.

« Depuis quand, Jean ? La semaine dernière ? s'enquit la jeune femme d'un air détaché.

- Fais gaffe, j'ai une couette dans les mains, je suis dangereux. Signala-t-il.

- Ciel, je tremble. » Ironisa-t-elle.

Elle récupéra les draps qu'elle venait de plier et se dirigea vers la sortie, sans vraiment voir où elle allait. La pile de linge lui arrivait juste en dessous du menton, elle devait lever la tête pour que ça ne se casse pas la figure à la première occasion. Lorsqu'elle passa au niveau de Jean, elle trébucha et perdit l'équilibre. Marmonnant un juron, elle atterrit à plat ventre, le linge lui échappant des mains pour aller s'éparpiller un peu partout. Elle s'était tout simplement pris les pieds dans la couette que Jean avait laissée traîner par terre.

L'expression hilare de son camarade lui fit d'abord froncer les sourcils. Puis, devant le ridicule de sa propre chute, elle finit par éclater de rire elle aussi. Elle ne s'était pas fait mal, il aurait été stupide de lui en vouloir. Et puis, c'était la dernière fois qu'ils avaient l'occasion d'avoir un fou rire tous les trois, autant ne pas s'en priver. 

« Vous êtes pas croyables... » Soupira Marco d'un air réprobateur.

Bien qu'il tente de réprimer le rire qui menaçait de lui échapper, le sourire qui lui chatouillait le coin des lèvres le trahissait. Liesel se redressa et passa une main dans ses cheveux en bataille, soupirant un bon coup pour faire cesser son fou rire.

« Bon, j'ai plus qu'à ramasser tout ce bordel, espèce de gros malin. »

Mais au moment où elle et Marco s'accroupissaient pour réparer les dégâts, un bruit assourdissant retentit à l'extérieur. Elle sursauta violemment et faillit mettre un coup de boule à son ami au passage.

« C'était quoi, ça ? » Murmura Jean d'un air inquiet.

Les trois camarades se lancèrent des regards interrogateurs avant de fuser dehors, d'un accord commun. Le spectacle qui les attendait les fit s'arrêter net.

Le titan Colossal. Ou plutôt la tête du titan Colossal, au-dessus du Mur, qui se découpait cruellement sur l'azur du ciel. Un visage dépourvu de peau dans lequel s'engonçaient deux yeux bruns. Des dents à découvert, qui auraient pu broyer un cheval sans effort majeur. Autour de lui, de petites silhouettes s'agitaient désespérément, tentant d'orienter les canons vers l'immense créature. Mais il était évident que ça ne suffirait pas à l'abattre. 

LunaireWhere stories live. Discover now