Lunaire

Chapitre 25

Il était près de trois heures du matin lorsque Walter émergea enfin. Une goutte d'eau venait de s'écraser sur son nez, lui arrachant une bordée de jurons embrouillés. Le simple fait de s'entendre marmonner lui fit prendre conscience qu'il n'était plus bâillonné. Sa bouche était si pâteuse qu'il ne l'avait pas réalisé.

Le jeune homme ouvrit prudemment les yeux et redressa sa tête, tentant de faire le point sur ce qui se trouvait devant lui. Des escaliers, une porte close. Pas très encourageant. Alors il était prisonnier, maintenant ? Il aurait aimé éviter d'ajouter cette ligne à la liste de ses malheureuses expériences.

En se redressant, il sentit que ses bras n'étaient pas tout à fait libres. À vrai dire, ils craquèrent allègrement lorsqu'il fut assis pour de bon, lui donnant l'impression que ses épaules étaient susceptibles de se déboîter à tout moment. Comme si une côte en mauvais état ne suffisait pas... Qui était le crétin qui avait jugé utile de l'écarteler ? Il ne risquait de toute manière pas de faire grand-chose, dans sa situation.

Sa vision s'éclaircit peu à peu, l'autorisant à avoir un aperçu plus complet des environs. L'obscurité ne l'aidait pas, et ajoutait à l'aspect lugubre de l'endroit. Il y avait des moisissures au plafond, c'était sans doute de là que venait la satanée goutte d'eau qui l'avait tiré de son sommeil. Le gel des derniers hivers avait dû fragiliser les parois de pierre et autorisé l'humidité à se faufiler dans les interstices du mur. Il réprima un frisson. Décidément, cet endroit était sordide. Où était-il seulement ? Dans un entrepôt ? Une cave ? Il ne savait même pas s'il était encore à Stohess... Peut-être que le titan dont il avait entendu le cri, avant de manquer d'air, avait complètement rasé le district. Peut-être qu'on l'avait enfermé ici en attendant la fin des combats et qu'on l'avait oublié, ou tout simplement que ceux qui savaient où il était étaient tous morts.

« Il y a quelqu'un ? » Se risqua-t-il à appeler.

La solitude, d'ordinaire si chère à ses yeux, commençait à lui peser. Il préférait encore subir une présence hostile plutôt que le bruit des gouttes qui s'écrasaient très précisément toutes les seize secondes juste derrière lui. Et puis, il fallait qu'il comprenne ce qu'il faisait là. Ça n'avait rien de normal, il y avait forcément une erreur quelque part. Une fois qu'on lui aurait dit pourquoi on l'avait enfermé, il démontrerait calmement qu'il n'avait rien à se reprocher, et on le ferait sortir.

Une lumière s'alluma en haut de l'escalier, et il cligna des yeux, aveuglé. Très bien, il n'était pas tout seul dans ce trou à rats... Ses yeux alertes parcoururent les zones d'ombre. Combien d'hommes y avait-il, ici ? En dehors de la silhouette d'en face, pas plus de deux, tapis dans les recoins de la pièce. Étrange, ils avaient pourtant eu l'air de le considérer comme très dangereux, lors de sa capture. Alors pourquoi étaient-ils aussi peu ? Parce qu'on ne voulait pas qu'on sache qu'il était là ? Probable. Il n'était même pas dans une cellule ou un quelconque quartier général. Cette histoire ne sentait vraiment pas bon.

« Je peux savoir où je suis ? » Demanda le jeune homme, s'enhardissant quelque peu. Il avait besoin de réponses, et ce n'était pas en se taisant qu'il les aurait.

« Quelques mètres sous terre. Répondit simplement l'homme, venant s'asseoir sur une caisse en face de lui.

- Vous voulez bien desserrer cette corde ? Je n'ai plus une goutte de sang dans les bras.

- Je préfère ne pas prendre le risque de m'approcher pour le moment. »

Bien évidemment, songea Walter avec amertume. L'homme déposa sa lanterne près de la caisse, autorisant le prisonnier à distinguer ses traits.

« Major Smith ? » Murmura-t-il, visiblement surpris.

Il ne connaissait cet homme que de vue, et surtout de réputation. Qui ne connaissait pas le fameux Erwin Smith, treizième Major du bataillon d'exploration et inventeur de la formation de détection à distance ? Mais le voir dans ce genre de circonstances était la dernière chose à laquelle il s'attendait.