Chapitre 24

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Le lendemain matin, des nouvelles parvinrent enfin aux oreilles de Walter et de son unité. Le bataillon d'exploration allait, d'après leurs informations, se rendre dans le centre afin de livrer Eren Jäger au gouvernement. Cette perspective était loin d'enchanter le jeune homme, plutôt curieux des possibilités que l'adolescent aurait pu apporter à leur armée. Il n'était certes pas un grand partisan des changements radicaux, mais c'était une opportunité qui aurait bel et bien pu changer leur manière de combattre. Il se taisait cependant, et obéissait comme à son habitude. Depuis qu'il était soldat, il avait appris à s'exécuter sans poser de questions.

Il se préparait donc à assurer la sécurité du convoi, nettoyant consciencieusement son fusil. Grant était à ses côtés, lui lançant de temps à autre des regards fuyants qu'il ignorait avec calme. Il n'avait pas envie de lui adresser le moindre mot, tout simplement. En tout cas, pas plus que le strict nécessaire. Mais il comprenait que l'autre lui colle aux basques, il aurait fait la même chose si leurs rôles avaient été inversés. De manière un peu plus subtile, tout de même.

Le jeune homme jeta un bref coup d'œil aux recrues, non loin de là. Son regard anthracite s'attarda un instant sur Leonhart. Il avait, depuis un mois, l'impression désagréable de l'avoir déjà vue quelque part. Il n'aimait pas rester dans le vague, il n'était pas non plus suffisamment téméraire pour aller poser la question de front. Il se disait que c'était sûrement à Trost qu'il l'avait aperçue, elle venait de la promotion de sa sœur après tout, mais ne parvenait pas à s'en convaincre. L'impression de flou dominait, pourtant, il se savait très lucide. Chaque visage qu'il avait scruté en cherchant sa cadette était marqué au fer rouge dans sa mémoire ; quelque chose lui disait que s'il avait véritablement vu Leonhart là-bas, il s'en souviendrait nettement. Faute de mieux, il se contentait pour le moment de cette explication.

L'aîné des Eisenmann secoua imperceptiblement la tête pour s'empêcher de ressasser. Il répétait les ordres dans sa tête un par un, lentement, alors qu'il se rendait à son poste, jusqu'à ce qu'ils se transforment en litanie dénuée de sens. Tout valait mieux que son habituel passage en revue des situations possibles, de la moins mauvaise à la pire d'entre toutes. Il s'était interdit de penser à tout ce qui était susceptible de tourner mal, et faisait taire à coups de répétitions le mauvais pressentiment qui lui étreignait l'estomac.

Posté sur le côté de la rue, le jeune homme observait avec attention les cavaliers passer devant lui, à l'affût du moindre détail qui sortait de l'ordinaire. Mais tout semblait relativement paisible : personne ne sortait des rangs, chacun regardait droit devant soi, personne de louche sur les toits ou dans la population... Walter s'autorisa à se détendre légèrement, gardant cependant les yeux et les oreilles grands ouverts. On n'était jamais trop prudent.

Un bruit se fit entendre dans la ruelle voisine. Le jeune homme lança un bref regard en arrière, croisant le regard d'un homme. Sa tête était recouverte d'une cape aux couleurs du bataillon d'exploration, ce qui l'interpella immédiatement.

« C'est vous, Walter Eisenmann ? » s'enquit l'homme d'une voix à peine audible.

Il fronça légèrement les sourcils et jugea plus prudent d'éviter la question.

« Qui le demande ?

- C'est votre sœur. Elle nous a envoyés vous chercher, elle ne peut pas se montrer, mais elle a quelque chose d'extrêmement important à vous dire, d'après ses mots. »

Il reporta son regard sur le convoi qui finissait de passer, regarder derrière son épaule pendant tout ce temps aurait l'air franchement louche. Et puis, ce type ne pouvait pas l'attaquer, pas ici, alors qu'il était encore dans une rue bondée et arpentée en long, en large et en travers par les brigades spéciales, sans compter que c'était un homme du Bataillon. Il ne courait pas grand risque en lui tournant le dos.

LunaireWhere stories live. Discover now