Chapitre 30

94 12 8
                                    

Les pleurs d'un enfant tirèrent Walter de son sommeil vers six heures du matin. Isa bougea près de lui, sa chaleur disparaissant lorsqu'elle retira son bras du torse du jeune homme. Il retint sa main au passage, les yeux mi-clos.

« Rendors-toi... Je vais y aller. Murmura-t-il d'une voix encore somnolente.

- C'est la dernière nuit que tu passes ici avant ta prochaine permission, ne la gâche pas. » Répondit la jeune femme en embrassant son front.

Il soupira imperceptiblement et ferma à nouveau les yeux, laissant retomber sa main le long de son corps. Elle n'avait pas tort, il dormait mal depuis que le titan féminin s'était dévoilé à Stohess, trois ou quatre jours plus tôt. Depuis, il n'était pas encore retourné au quartier général. Le bataillon l'avait gardé sous surveillance pendant encore une journée, puis on lui avait donné quelques jours de congé, le temps de se remettre. Après tout, il avait encore de violentes douleurs dans les côtes, le simple fait de s'étirer le faisait grincer des dents.

Le jeune soldat avait profité de cette permission inattendue pour rester aux côtés d'Isa. Il faisait la connaissance du petit Jacob, treize mois, et avait appris à changer une couche. C'était lui qui avait insisté pour aider la brune, qui n'y voyait aucun inconvénient, au contraire. Avec son travail, elle avait beaucoup de choses à faire, et confier le petit à Walter à certains moments l'arrangeait beaucoup. Bien sûr, elle revenait tout de même s'assurer toutes les dix minutes qu'il n'y avait pas de problèmes, mais tout semblait plutôt bien se passer.

Depuis un mois, elle occupait l'appartement au-dessus de la librairie où elle était employée. Lorsqu'elle était arrivée, elle n'avait que les bases de la lecture et de l'écriture, enseignées par Walter lorsqu'ils étaient tous deux dans le centre. Pourtant, c'était ça qui avait fait la différence et lui avait permis de décrocher cet emploi. Bien qu'elle tâtonne encore par moments, elle s'en sortait de mieux en mieux.

Les pleurs du petit cessèrent au bout d'un petit quart d'heure, et Isa se glissa à nouveau entre les draps, laissant échapper un soupir d'aise.

« Tu ne dors pas ? Demanda-t-elle doucement, écartant quelques mèches du front du jeune homme.

- Je n'ai pas beaucoup d'occasions de te voir en ce moment. J'en profite. » Sourit-il, parvenant enfin à ouvrir les yeux.

Elle sourit légèrement et se blottit contre lui, nichant sa tête au creux de son cou.

« Tu ne peux plus me voir, maintenant, alors dors. Tu n'as plus d'excuses. »

Il resserra doucement son étreinte autour de sa taille, laissant échapper un petit soupir. Elle était douée pour le convaincre, et il avait de moins en moins envie de lutter. Après tout, pourquoi l'aurait-il fait ? Il était comblé, en ce moment. En vie, libre, la femme qu'il aimait lovée contre lui, sa sœur en sécurité quelque part, avec ses camarades. Une seule chose lui trottait encore dans la tête.

Je dois parler à Kenny Ackermann.

Quelques heures plus tôt, il s'était enfin souvenu du jour, ou plutôt de la nuit, où il avait aperçu Annie Leonhart pour la première fois. C'était la fille, celle qui avait eu une discussion plutôt mouvementée avec l'homme au chapeau, le soir où il avait appris la traîtrise de Grant. Maintenant qu'il s'en souvenait, il avait du mal à comprendre comment il avait fait pour ne pas le remarquer plus tôt. Même avec un chapeau et une paire de lunettes, Annie restait très reconnaissable. Maintenant qu'il savait qu'elle et le titan féminin ne faisaient qu'un, il lui paraissait plausible que Kenny sache quelque chose à ce sujet.

Et puis, il n'y avait pas que ça. Dans sa dernière lettre, son grand-père avait affirmé connaître celui que l'on surnommait autrefois l'Éventreur. Ces derniers mois, le jeune homme avait préféré ne pas tenir compte de cette information, estimant que les mots de son aïeul n'étaient que les élucubrations d'un esprit rongé par l'âge. Pourtant, lorsqu'il y repensait, tout semblait pointer dans cette direction. S'il voulait espérer comprendre un jour les énigmatiques derniers mots d'Abel Fuchs, il ne pouvait s'adresser qu'à une seule personne.

LunaireWhere stories live. Discover now