Chapitre 27

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Quelques jours après le retour de l'expédition extra-muros, l'environnement de Liesel était le plus tranquille possible. Elle et plusieurs de ses camarades avaient été regroupés dans une ancienne ferme, dans l'enceinte du Mur Rose, et avaient interdiction formelle d'en sortir depuis leur arrivée, l'avant-veille. Ils étaient d'ailleurs sous bonne garde, et mal leur aurait pris de tenter une quelconque escapade : l'escouade de Mike les gardait à l'œil en permanence. De toute manière, ils ne pouvaient pas aller bien loin ! Ils étaient désarmés, sans équipement tridimensionnel, et les chevaux étaient enfermés à clé dans ce qui avait dû, autrefois, ressembler à une écurie. Tenter d'échapper à l'escouade qui les surveillait aurait été un suicide pur et simple.

La situation lui échappait, et elle détestait ça. Suivre les ordres aveuglément, très peu pour elle. Si on ne lui expliquait pas pourquoi on lui demandait quelque chose, elle avait beaucoup de mal à obtempérer sans discuter. Cet état d'esprit lui avait valu tellement de remontrances durant son entraînement qu'elle s'efforçait désormais de le taire, mais ce genre de situations avait toujours le don de la mettre hors d'elle.

Pourtant, elle restait tranquille, profitant au moins du répit qu'on leur accordait. Faire une pause dans les efforts physiques n'aurait pas pu mieux tomber, ses règles avaient commencé la veille et lui tordaient consciencieusement le ventre. C'était pour ça qu'elle était encore réveillée peu après cinq heures du matin, assise sur une chaise, la joue contre le bois rugueux de la table. Les autres étaient allés se reposer dans leur dortoir improvisé, à l'étage, mais elle ne supportait pas l'atmosphère étouffante de cet espace confiné ajoutée à ses violentes bouffées de chaleur. Ici, dans la salle commune déserte, elle se sentait à son aise. La lune, derrière la vitre, baignait son visage fatigué d'une douce lumière.

Les cernes sous ses yeux étaient évidentes, mais elle semblait sereine, balayant de son regard argenté les étoiles que le cadre de la fenêtre voulait bien lui laisser voir. Elle savait qu'elle ne dormirait pas beaucoup. Tant pis. Ses tâches les plus ardues, le lendemain, seraient certainement la vaisselle et un coup de balai, c'était loin d'être épuisant.

Ses paupières, cependant, se firent bientôt lourdes. Sirius devenait floue. Elle n'avait plus le courage de faire le point, et se sentait tout doucement sombrer dans le sommeil.

La sensation qu'on posait quelque chose sur ses épaules la fit sortir de sa torpeur, et elle ouvrit les yeux, sans pour autant bouger la tête. Avait-elle vraiment besoin de vérifier qui prenait soin d'elle ainsi ?

« Merci... » murmura-t-elle d'une voix pâteuse, ramenant la couverture contre elle d'une main engourdie.

Elle avait beau avoir trop chaud à intervalles réguliers, cette sensation la réconfortait.

« Je t'ai réveillée, désolé.

- Je ne dormais pas. Répondit-elle simplement.

- Quelque chose te tracasse ?

- Non... Je ne suis juste pas au meilleur de ma forme. » Soupira-t-elle, tendant ses bras devant elle pour les étirer comme un chat paresseux.

La jeune femme avait beau avoir peu de tabous, celui-ci restait bien ancré. Sans doute un héritage de ses parents, qui se seraient fait écorcher vifs plutôt que de prononcer le mot menstruations devant leur fille. Résultat, la première fois que c'était arrivé, elle était déjà au cœur de son entraînement et avait hurlé au meurtre à trois heures du matin, terrifiée par ce qu'elle voyait. Ymir avait bien ricané, ce soir-là... Heureusement, Liesel avait réussi à la corrompre pour éviter qu'elle ne diffuse cette histoire embarrassante.

« Sans doute le contrecoup de l'expédition... Tu as trop forcé sur ton ventre, ce n'était pas prudent. »

Liesel roula des yeux et tourna la tête pour pouvoir le voir.

LunaireWhere stories live. Discover now