Chapitre 26

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Assis sur une caisse au milieu de l'entrepôt, vers six heures du matin, Walter semblait fasciné par la tasse de thé brûlant qu'il serrait entre ses mains. Il était libre. Enfin, libre... Il restait sous surveillance, et n'avait absolument pas le droit de se déplacer en dehors de ce bâtiment. Mais on l'avait détaché, et on lui avait accordé un peu de repos. Il n'allait pas s'en plaindre. 

Isa n'avait pas réussi à le voir. On lui avait défendu d'entrer à la cave, et elle avait fini par s'y résigner, préférant ne pas aggraver la situation en pestant outre mesure. Elle avait de toute manière eu sa preuve, puisque Walter s'était résolu à manifester sa présence en lui assurant à travers la porte qu'il allait bien. Il avait dû hausser le ton pour qu'elle l'entende, mais avait fini par y parvenir. Alors, elle s'était apaisée et avait répondu le plus calmement possible aux questions que le Major lui avait posées.

Oui, Walter était venu la voir le soir de la bataille de Trost, et la veille également. Oui, il avait manifesté une vive inquiétude pour le sort de sa sœur. Non, elle n'avait pas eu de ses nouvelles par la suite, puisqu'elle avait gagné le lendemain matin le district de Stohess. Oui, il s'était fait casser le nez quelques années auparavant et oui, ça avait mis plusieurs semaines à se ressouder correctement, d'ailleurs, si on regardait bien, il n'était plus très symétrique, à présent. Après une bonne heure de questions, on l'avait laissée tranquille.

Les lettres de Liesel avaient également été passées au crible durant une heure supplémentaire, une par une. Rien de compromettant, une fois de plus, seulement des nouvelles. Rien sur l'expédition extra-muros, à part une brève mention au bas d'une page, rien sur les stratégies, rien sur les effectifs. À propos d'Eren, seulement quelques lignes de doutes sur ses réelles intentions. Certes, il était possible que cette correspondance soit un leurre, mais il aurait semblé étonnant au Major que le frère et la sœur aient poussé le vice aussi loin, étant donné les profondes lacunes que leur supposé plan comporterait déjà.

Enfin, Erwin Smith était revenu s'entretenir avec Walter pendant trois quarts d'heure. Étant donné l'état d'épuisement avancé du jeune homme et la cohérence parfaite de ses propos, il devenait fort peu probable qu'il ait quoi que ce soit à voir avec ce dont on le soupçonnait. Un menteur, sous cette pression et cette fatigue, serait vite devenu illogique et se serait empêtré dans ses explications, revenant sans cesse sur ce qu'il venait de dire et prétendant ne plus se souvenir de certains détails. Mais on n'était jamais trop prudent, aussi avait-il décidé de le laisser sous surveillance un petit moment. Le jeune homme avait immédiatement approuvé.

« On n'est jamais à l'abri... Avait-il dit. Peut-être que j'ai pu faire sans le réaliser des choses qui ont aidé ces gens, tout comme ma sœur. Si vous gardez un œil sur elle et sur moi, on pourra peut-être limiter la casse. »

Il sortit de sa contemplation, reportant son regard sur la porte lorsqu'il l'entendit s'ouvrir.

« Tu as réussi à le faire changer d'avis, alors... » murmura-t-il, se levant péniblement.

Un sourire amusé lui répondit. Il ne s'était pas trompé, c'était bien elle. Son visage n'avait pas changé le moins du monde, elle semblait juste bien plus fatiguée et, paradoxalement, en meilleure santé. Ses pommettes étaient moins dures, les couleurs de son visage plus vives et ses yeux plus brillants.

Lorsqu'elle l'enlaça doucement, il ne put s'empêcher, en posant ses mains dans son dos, de remarquer qu'elle avait sûrement pris un peu de poids ; ses omoplates se dessinaient bien moins qu'avant sous le tissu fin de sa robe. Le changement de vie de son ancienne complice semblait lui réussir, malgré les évènements catastrophiques de ces dernières heures.

« Je n'aurais jamais pensé que tu aurais un jour besoin de moi pour éviter la prison. » Murmura-t-elle, le front contre son épaule.

Ce que ce genre d'étreintes avait manqué au jeune soldat... Certes, Isa n'avait ce genre de geste que très rarement auparavant, mais il avait tout de même réussi à s'y habituer. Il la serra contre lui, tentant de ne pas lui broyer les côtes au passage. Il ne contrôlait plus vraiment les muscles de ses bras, ankylosés par la position qui avait été la sienne pendant des heures.

LunaireWhere stories live. Discover now